Les guignes ou la guigne?

Micro planeur Virus
Virus, le micro-planeur
Ah! il est des fantaisies qui paraissent anodines lorsqu'on les concrétise, et qui reviennent périodiquement, telles le rhume des foins !
Infection virale ? allez savoir !
Je veux parler d'un tout petit modèle de planeur sorti de ma cervelle vers 1985.
Je me souviens fort bien d'un dimanche pluvieux, le nez collé au carreau, privé de vol depuis un certain temps; et dans la tête, des idées qui trottent; et soudain un morceau de papier, un crayon, un micro-servo.
Je me rappelle avoir dessiné le fuselage autour de cet unique servo qui coûtait la peau des fesses, de son homologue en balsa ! (Je n'en possédais qu'un seul exemplaire)
Ben oui, j'avais décidé de réaliser un planeur le plus petit possible. C'était l'époque où certains avaient embringué le chemin du « petit gros », et moi, j'avais pris le contre-pied. Tout comme d'autres d'ailleurs ! Ils avaient pour nom Patrick Nicolas qui publiait dans Modèle Magazine; ou encore Didier Cervera avec son Jazz (l'actuel complice de Jean-Louis Coussot dans Fly)... ou encore Philippe Mathiot et son micro ASK 21...
C'était l'époque où Guy Revel étalait des articles sur les profils et les polaires dans des revues. Je me souviens d'ailleurs d'une rencontre au Salon du modélisme où nous avions échangé nos points de vue. J'avais déjà commis quelques « microbes », et lorsque Guy m'avait demandé où j'en étais au niveau taille de mes planeurs, je lui avais répondu que j'envisageais un modèle encore plus petit que le précédent, compatible avec les éléments des radiocommandes de l'époque !
Et il m'avait asséné : «Ben mon vieux, à ces dimensions de corde-là, ton profil ne peut plus porter ! Les calculs le prouvent ! »
Et moi d'ajouter calmement. « Bof! Tu connais le camarade Sikorsky, l'homme des hélicos ? Ne disait-il pas que les calculs mathématiques débouchent sur le fait que le bourdon ne peut
pas
voler. Mais comme le bourdon ne le sait pas, lui, il s'en moque, et il vole !!! »
C'est sur cette « galipette » aérodynamique que je m'en étais tiré! Jusqu'à ce jour où je mis sur du papier d'autres coups de crayon. Avec objectif que le plan tienne encarté dans la revue MRA, et à échelle 1 ... Fallait être un peu fou !
Le modèle fut fini dans la soirée, fit ses premiers essais quelques jours plus tard après que j'aie eu cassé ma tirelire pour un second servo. Mais l'un des atterrissages se solda par un nez à la « bouledogue »! Il y avait donc quelques « détails » à reprendre !!!
Détails qui furent repris, et la bestiole se mit à voleter, puis à voler, à la grande surprise de mes camarades de club.
Je me mis en devoir de rédiger un « papier », tirer quelques photos, et j'envoyai le tout à Pierre Rousselot, alors directeur de la revue MRA dans laquelle j'avais déjà commis plusieurs articles. Je reçus quelques jours plus tard une carte de visite à la sobriété coutumière : « Bien reçu vos documents. Amitiés. Pierre »
Et puis ce fut le silence radio.
Jusqu'au jour où je reçus une autre carte de visite, un peu plus « bavarde » celle-là. Dans laquelle mon rédacteur en chef me disait : « Lorsque j'ai vu votre plan, j'ai cru à un poisson d'avril. Ce Munoz est suffisamment facétieux pour se permettre de telles fantaisies. Son modèle ne volera jamais. Mais j'ai voulu en avoir le coeur net. J'ai envoyé un plan vers un modéliste du Nord de la France, et un autre plan vers le Sud, demandant à ces bêta-testeurs de construire, et de me retourner le résultat de leurs investigations. Les deux ont été unanimes pour dire qu'ils n'en croyaient pas leurs yeux, et que la bestiole les avait séduits ! Le Nordiste ayant même perdu son modèle absorbé par une ascendance !!!
J'ai donc décidé de publier .»
C'est ainsi que ce planeur à la taille de confetti parut dans MRA en novembre 1986.
C'était l'époque où je possédais un ASK21 Roedel de presque 4 mètres d'envergure : je pouvais loger facilement mon Virus dans l'habitacle de ce « monstre ». Je me souviens également être arrivé un jour sur une pente du Pays Basque, mon émetteur en bandoulière. Et les copains de me dire : «Ben t'es malade ! T'arrive avec ton émetteur... mais t'as même pas de planeur ! » Et moi de leur sortir malicieusement mon Virus qui était tapi dans la poche intérieure de mon blouson !!!
Quelques années ont passé.. Mais ce micro-planeur me vaut encore bien des courriers. J'en reçois périodiquement, émanant de pays divers tels que l'Italie, l'Espagne, le Portugal... et bien sûr la France.
Jamais je n'aurais cru qu'une si petite bestiole puisse avoir la vie dure au point de revenir presque un quart de siècle après sa création. Me fournissant encore quelques anecdotes parfois savoureuses, dont celle-ci :
Un Internaute un jour m'envoie un courrier papier. M'expliquant qu'Il avait tenté vainement de me contacter via le Net pour ce fameux "microbe"... mais comme il avait mis en objet de mail "Virus", son FAI ou son logiciel de navigation, ou que sais-je encore... bref, les anti-tout-ce-ce-qu'on-veut-chargés-de-protéger-le-PC avaient d'office considéré que le message était potentiellement dangereux... Virus ! Ben voyons !!! Hop, indésirable... et mon malheureux correspondant ne put échanger par mail qu'après en avoir modifié l'objet !!! Faut dire qu'à l'époque où mon planeur fut créé, le mot "virus" ne
résonnait pas du tout de la même façon: Internet n'avait pas encore débarqué!!! Avec ses spams et ses bugs et ses ...virus...
Une chose est toutefois certaine : qu'ils soient d'origine médicale informatique ou modéliste, les Virus ont la vie dure ! Non ?
Et concernant mon mignon petit planeur, je n'ai surtout pas l'intention de m'en plaindre !
En cliquant sur le lien ci-dessous, vous aurez accès à d'autres photos, et vous pourrez télécharger le plan (en accord avec la revue MRA, par l'intermédiaire de Roger Kaci )
https://share.orange.fr/#oBVzRRSUaM73eb9308b
Merci à Pascal, Sylvain, Eric, Serge, Michel, Jean... Bref, à tous ceux qui m'ont fait parvenir des clichés ou des commentaires.
Mise en boîte
MISE EN BOITE...
Le ciel est bleu, à peine troublé par quelques petits cumulus qui germent. Je viens de remorquer le Kilt de Jean-Pierre qui m'avait dit : "Grouille-toi, Michel vient de redescendre, et il lui a fallu pousser comme un malade pour rentrer, tellement il était dans une bulle musclée." Et en effet, le Super Bison a ramassé une claque sous l'aile gauche, indiquant que l'ascenseur est bien là. Largage sans histoires, puis un cri :
"M...., j'le vois plus !"
C'est Jean-Pierre qui nous fait comprendre son désarroi. Le Kilt a tellement bien profité de la bulle qu'il n'est plus visible.
"Mets tout dans les coins", dis-je alors.
En virevoltant dans le soleil, le planeur devrait lancer un flash à chaque tour de vrille... peine perdue. Au bout de… 10 minutes, il faut bien constater que nous ne le reverrons plus...
Trois jours plus tard, le pilote recevra un coup de téléphone lui annonçant que son planeur a été retrouvé... quelques centaines de mètres plus loin... mais plus vraiment neuf.
La perte de ce modèle me remet en mémoire une anecdote qui date du joli temps où je pratiquais encore le vol libre ; vous savez, cette forme d'aéromodélisme qui n’utilise pas la radiocommande...
En fin de journée, après une séance d'entraînement au treuillage, un magnifique planeur de 2,10 m d'envergure est prêt à se poser dans un coin du champ. La masse d'air en équilibre instable, perturbée par l'intrusion du modèle, décolle du sol, emportant avec elle mon oiseau de balsa, qui saute la haie... et disparaît derrière elle.
Recherche, quadrillage du champ de blé en long et en large avec l'aide de mes camarades. Rien n'y fait. Je ne retrouve pas mon fugueur. Je préviens le fermier de ma mésaventure. Je pose des papillons chez les commerçants avec la mention : Récompense à celui qui me le retrouvera (mon planeur, bien sûr). Puis les vacances arrivent. Et j'oublie... Jusqu’au jour où, rentrant de mes congés, je rencontre Monsieur D...., l'agriculteur chez qui mon planeur s'est envolé.
Je ne peux résister au plaisir de vous rapporter ses paroles, dommage que je ne puisse vous faire chanter le savoureux accent mayennais de cet homme de la terre. Témoignage de ce que devait être la langue française il y a quelques siècles. "Dites-donc, l'maît' d'école, vot' planeur. hé ben y n'était pas si loin qu'ça. On l'a r'trouvé. II est chez nous. V'nez donc un d'ces soirs, avant qu'on aille tirer les vaches ; on a tout ramarré les morciaux." Sympathique, le bonhomme, mais s'il parle de morceaux, c'est que mon planeur n'est plus tout à fait entier.
Le soir suivant, impatient de retrouver mon engin, je monte à la ferme.
En me voyant arriver dans la cour, "le Patron" s'adresse à sa femme :
"Hé, la patronne, va chercher l'avion du monsieur !" En attendant, vous prendrez ben un p'tit coup de cidre, n'ce-pas ? "me jette-t-il. Quand du fond d'une pièce obscure, la dame lui demande :
"Où qu'c'est qu'tu l'as mis ?"
- "Mais si, tu sais ben, dans le bas d'l'armoire, la boîte à godasses..."
Et je vois revenir la fermière, portant, tel le Saint Sacrement, l'objet de mon culte. Non c'est pas vrai ? il n'est pas la dedans... Mon modèle de plus de 2mètres d'envergure est entré, sans chausse-pied, dans une boîte à chaussures de pointure 36 ! Et en gros sur le couvercle. avec une couronne, cette marque "DELUXE" ! "Quand qu'on l'a vu, la nuit, dans les phares de la moiss'batt, on a freiné ben vite, mais savez c'que c'est, ça s'arrète point comme ça ces grous engins là... Vot' machin, il a commencé à être moissonné. Mais vous r’collerez ben les morciaux !"
Le plus gros, de ces morceaux, il n'avait même pas la taille d'une de mes menottes.
J'avale vite une gorgée de cidre, avant que je ne m'étouffe. C'est ainsi que mon modèle fut mis en bière, et on lui fit des funérailles... en grande pompe, après l'avoir incinéré.