Vive les loisirs et les loisirieux !
En cette fin d’avril peu aimable, ma femme interroge la page météo de sa chaîne télé favorite, et avisant un créneau ensoleillé, elle me propose avec entrain :« Si nous en profitions pour passer une journée à la mer ? »
Why not !
Mercredi matin donc, nous enfournons quelques affaires dans la voiture, et guidés par le logiciel GPS avec lequel je… m’amuse( ?), direction le Mont Saint-Michel. Nous ne sommes pourtant pas en haute saison, mais le parking est déjà très rempli. Dans les ruelles, c’est la tour de Babel.
Retour vers la voiture, où je propose à un couple qui se prenait mutuellement en photo de les associer sur un même cliché. Echanges de mots aimables…
Direction Cancale par la côte avec visite d’un moulin à vent, puis intermède d'un petit vol en motoplaneur du côté de Cherrueix.
Suite du périple vers Cancale et la pointe du Grouin (sans un souffle de vent! Grrr, pas possible de faire voler un planeur…).
Retour sur le port de Cancale. Promenade en front de mer, une petite Leffe à la terrasse d'un troquet, achat d'huîtres sur la cale et retour à Bais pour déguster les huîtres plates de Cancale.
Mais je voudrais revenir sur l’épisode « vol en pré-salé ».
Alors que je suis agenouillé dans l’herbe rase et que je m’apprête à brancher la batterie de mon modèle, je vois arriver un couple de marcheurs. Lui me toise de toute sa hauteur, et avec un sourire ironique dans lequel on sent l’assurance du con-descendant, il me balance :
« Alors, on va faire mumuse ? »
Je reste de marbre ; pas un mot de ma
part.
Au pied du léger talus sur lequel nous nous
trouvons passent quelques cavaliers. A 300 mètres, on aperçoit des « promeneurs », leur guide vert touristique en main, détaillant la chapelle toute proche. De l’autre côté du chemin, un couple de retraités vaque à ses occupations dans son jardinet. Au loin, des toiles
multicolores signalent la présence de chars à voile qui filent sur l’horizon.
Que font donc tous ces gens ? Ils font mumuse !!! Assurément !
Et lui, mon interlocuteur-marcheur, dans ses vêtements fluo tout droit sortis du magasin « sport » de son hypermarché, il ne fait pas mumuse ? Non ?
Je ne sais pas ce qui m’a retenu de lui balancer :
« Pôôôôôooooooovvvvvv’ khôn ! »
PS: un grand amuseur public nommé Molière n'écrivait-il pas dans "l'Avare"
"La peste soit de l'avarice et des avaricieux"
Et moi, pour m'amuser, j'aurais envie de l'imiter:
"La peste soit des loisirs et des loisirieux"?
A moins que ce ne soit: "La peste soit de loisirice et des loisiricieux?"
Chacun s'amuse comme il peut, n'est-ce pas?
Attrape le manche!
Pendant mes vacances, j’adore me promener sans trop savoir où je vais, et cela débouche parfois sur des rencontres aussi cocasses
qu’inattendues.
C’est ainsi qu’un été, j’avais posé ma caravane sur le camping de Saint Jean de Maurienne, et
j’étais parti en direction de Saint Colomban des Villars. Lorsque petit à petit, la route commence à s’élever, on aperçoit tout en haut le
fameux col du Glandon. Au fur et à mesure que la voiture s’échine à grimper, je me rends compte que des moucherons sillonnent le ciel… Ne
s’agirait-il pas de modèles réduits pratiquant le vol de pente ?
Alors que mon radiateur indique des signes d’échauffement, je me gare sur le parking, et mes
« soupçons » se confirment. A quelques centaines de mètres, on peut apercevoir toute une troupe de joyeux modélistes, à laquelle je me joins bien évidemment avec une parfaite
curiosité.
Il y a là manifestement plusieurs nationalités, dont un bon groupe d’Anglais. Et en y regardant de plus près, nombreux sont
ceux qui arborent fièrement leur badge FITEM !
Ah bon!!! Je comprends alors que je
suis « tombé » par hasard sur ce fameux festival dont on parlait tant dans la presse spécialisée il y a de cela quelques
« lustres ».
Rien qu’en écoutant, je peux
apprendre aussi qu’il s’agit de la sortie « fin de stage », celle qui « couronne » la semaine
d’activités… par un vol de pente à 2000m
d’altitude!
Apparemment, chacun vole comme il l’entend : il suffit de s’inscrire auprès d’un responsable, qui note sur un
cahier les différentes données telles que nom, prénom, modèle… et surtout fréquence d’émission, dans le souci évident de ne pas provoquer d’interférences néfastes. Et on trouve en l’air toutes sortes de planeurs, pilotés plus ou moins habilement.
La portance est telle que les nombreux « deux axes » présents ne sont pas forcément à la fête dans la mesure où on pourrait presque faire voler des enclumes !!!
Lorsque me promenant mains dans les poches au milieu de ces pilotes qui me sont tous inconnus, j’avise l’un d’entre eux qui se tortille, jure, peste, rigole, se récrie, se contorsionne… et en suivant son regard, je finis par trouver quel est le modèle auquel il tente de fournir ses ordres. Et manifestement, le léger planeur « deux axes » n’en fait qu’à sa tête. Décrochage sur décrochage, marche arrière, demi boucle involontaire… et l’instant ne va pas tarder où le frêle oiseau sera parvenu presque derrière la crête.
C’est alors que, inconsciemment, j’avance avec prudence : « Vous
avez des problèmes ? »
Ce à quoi, sans même
réfléchir, mon interlocuteur répond : « Attrape !»
Et joignant le geste à la parole, il me refile son émetteur ! M’obligeant ainsi à retirer les mains de mes poches !
Imaginez la
scène :
Le type ne sait pas qui je suis, il ignore si je sais piloter, il ne sait pas si je dispose mes commandes sur mon émetteur de la
même manière que lui…
Faut être vraiment dans la m… pour
balancer sa radio comme ça vers un inconnu !!!
Et moi de tâter les manches aussi rapidement que possible afin de
savoir si je vais être en mesure de domestiquer la bestiole.
Heureusement, les manches correspondent à ma pratique du pilotage!
Mais le petit « deux axes » est déjà dans une position fort peu confortable, en
arrière de la crête, dans une zone très turbulée… et comme sa conception ne permet guère d’avancer pour remonter au vent, me voilà à mon tour dans la
m… (« T’avais qu’à fermer ta
gu… ! » me pensais-je, mais il était trop tard, il fallait assumer !)
Tant bien que mal, je finis par poser le planeur assez loin derrière, dans les
rabattants, mais apparemment sans casse.
Tout excité par l’aventure, le monsieur me remercia et partit prestement
récupérer son modèle.
J’attendis un peu ; puis de mon côté, je fis les quelques 300m me séparant de mon véhicule.
C’est alors que ma femme, qui était restée bien
« au chaud » dans la voiture, m’apostropha en ces termes : « Dis-moi,
tu es incorrigible ! Tu ne peux pas t’empêcher de piloter, même quand tu n’as pas pris de
modèle avec toi !!! »
Heu, comment savait-elle ? Aurait-elle un don de double vue ? M’avait-elle aperçu avec
l’émetteur entre les mains ?
Elle finit donc par m’avouer qu’elle venait de voir passer un petit groupe, dans lequel un des personnages se
montrait plus volubile que les autres (l’ivresse des montagnes ?) Et il affirmait :
« Ben les gars, j’étais dans une m... noire, j’arrivais plus à
mener mon engin… Quand j’entends derrière moi un type qui me dit : « « Vous
avez des problèmes ? »
Ben j’ai même pas
réfléchi, j’lui ai balancé mon émetteur! J'le connais même pas ! C’était un
p’tit barbu. Heureusement qu’il était là, il m’a ramené mon planeur, et le v’là intact !!! Il
fait pas partie du FITEM ? Si j’le retrouve, faudra que je lui dise merci ! »
Voilà donc ce que ma femme avait entendu… et elle n’avait eu aucun mal à
identifier son « p’tit barbu ».
Par la suite, je me
suis dirigé vers Le Corbier-La Toussuire, mais je n’ai pas eu le loisir de rencontrer mon
« naufragé ».
Pourtant, s’il me lit un jour,
qu’il sache combien j’ai eu plaisir à lui rendre ce petit service.
« Attrape le manche! » qu’il avait dit…
Pâlir... pas lire... Arc-en-ciel
Regagnant mes pénates l'autre soir, je fus témoin d'un spectacle féerique.
Je roulais vers l'est où un gros nuage noir obscurcissait l'horizon. J'étais à la limite pluie/soleil. Soleil couchant qui se trouvait dans mon dos, irisant ce
gros nuage noir qui fuyait devant moi en versant quelques larmes. Durant 20 kilomètres, un magnifique arc-en-ciel m'accompagna. Jamais je n'avais observé avec autant
d'acuité ce phénomène naturel. Jamais je n'avais "touché" des couleurs aussi intenses.
Et pendant que mes yeux subjugués bavaient d'admiration, me revint soudain ce curieux souvenir "scolaire".
C'était pendant une étude de texte. Face à moi, quelques 30 galopins de CM2. Quand soudain surgit une remarque à laquelle je ne m'attendais pas...
"M'sieur, pâlir, je sais pas..."
Ce fut l'objet d'un dialogue surréaliste dans lequel je m'engouffrais avec délices.
Le lendemain, je proposais à mes élèves le texte que je vous livre ci-dessous.
Ils se battirent pour le lire à plusieurs et le mettre en scène. J'ai l'intense souvenir que la "leçon" de lecture qui en découla fut très "participative".
Ce petit texte donna tout naturellement lieu à une saynète, qu'ils colportèrent de classe en classe pour la jouer aux plus jeunes élèves de l'école.
Ces derniers temps, mes yeux avaient tendance à me faire pâlir les couleurs.
Il a fallu recourir à une petite intervention chirurgicale.
Je suis donc un un peu désoeuvré ces jours-ci, dans la mesure où mes quinquets ont du mal à faire la mise au point.
J'avais du temps... j'ai retrouvé ce texte hier après-midi, enfoui au milieu d'autres petits souvenirs...
Mais est-ce simplement un hasard?
Arc-en-ciel
Elève Un: M’sieur, pâlir, je sais pas...
Le maître: Comment? Tu ne sais pas lire?
Elève Un: Si, M’sieur, je sais lire, mais je sais pas ce que veut dire pâlir!
Elève Deux: Facile! Pâlir, c’est comme rougir!
Elève Trois: Mais non! C’est tout le contraire...
Devenir rouge, c’est rougir; devenir pâle, c’est pâlir!
Le maître (satisfait): C’est beau de savoir lire! Vous avez compris: un adjectif de couleur plus le suffixe IR, et l’on obtient un verbe du deuxième groupe qui...
Elève Deux (avec des nuances): qui noircit, qui blanchit, qui bleuit, qui verdit, qui jaunit...
Elève Quatre: Comment on fait pour orange?
Le maître (embarrassé): Heu?... Là, voyez-vous, c’est différent, le suffixe sera ER, et le verbe appartiendra au premier groupe!
(s’adressant à Elève Un): Tu as compris?
Elève Un : Oui, M’sieur!
Elève Cinq (qui devait se souvenir des couleurs de l’arc-en-ciel): Comment on fait pour indigo?
Le maître (rêveur, et à mi-voix): Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge. (reprenant de plus en plus bas):
Violet, indigo bleu, vert, jaune, orangé, rouge.
Violet, Indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.
Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.
Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.
Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge....
Bernard Munoz
novembre 1994