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Photo / VTT / Billets d'humeur /  Géocaching / Modélisme / Années 50

Aux amoureux de l'orthographe...

26 Mars 2008 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Billet d'humeur

...et à mon oncle Jo

 

Mon cher oncle

 

Là où tu te trouves, tu n’as plus mal aux dents, tu n’as plus mal aux oreilles, tu n’as plus mal aux yeux non plus.

Et pourtant à la lecture du document que j’ai sous les miens, je suis sûr que tu serais quelque peu interloqué.

Excuse-moi  alors de troubler ta douce quiétude, mais je voudrais te faire partager l’émoi  que j’ai pu éprouver  à la lecture de mon quotidien favori.


S’étalant  en bas de  page, cette pub reprenant le look d’un écran informatique d’ordinateur, qui m’invite à cliquer…

Et clic… et clic… et clic…

Un petit clic… et une grande claque à l’orthographe !!!

« Pour trouvez un véhicule en Bretagne…   ouestfrance-auto.com »

Un célèbre humoriste aurait dit : « Et vous trouvez ça drôle ? »
Parce que "pour trouveR", moi, j'aurais mis un R!!!  Grrrrrrr....

….

Me permettras-tu d’évoquer quelques souvenirs ?

Lorsque j’étais tout gamin, tu nous racontais l’ambiance moite de la salle dans laquelle tu travaillais le soir, afin de préparer la sortie du journal.
C'était rue du Pré-Botté à Rennes, dans les locaux de Ouest-France.
En compagnie d'autres ouvriers, tu tapais sur un  clavier  noir dont l’aspect me faisait penser aux machines à écrire  que l’on voyait dans les films états-uniens.  Grosse machine grâce à laquelle  tu composais les colonnes du journal. En effet, tu exerçais le noble  métier de linotypiste.  Dans un bruit que je trouvais un peu trop agressif, ton mastodonte  fabriquait des lignes  de plomb, sur lesquelles  on pouvait lire le texte à l’envers  comme dans un miroir.

Je me souviens être allé te voir un soir sur ton lieu de travail, dans cette atmosphère saturnienne  de plomb fondu et de cliquetis des autres machines,  tu avais pris un peu de ton précieux  temps pour  me fabriquer une ligne sur laquelle figuraient mon nom et mon prénom.

J’ai longtemps conservé ce « trophée », que j’utilisais comme tampon encreur. Ce qui  permettait  au galopin que j’étais alors d’épater les petits copains.

Et puis je l’ai égaré… et je m’en veux profondément.

Quand je lisais le journal, j’avais toujours une profonde pensée pour toi. Et je me disais, que peut-être, les colonnes que j’avais sous les yeux, c’était toi qui les avais générées…

Je me souviens qu’à l’époque, tu m’avais modestement expliqué que pour accomplir ton métier, il suffisait tout simplement de savoir taper à la machine, et  posséder quelques « petites »  notions d’orthographe.  Tu ajoutais -non sans  fierté- que tu n’étais titulaire que d’un  banal  « certificat d’études primaires élémentaires », obtenu avec mention à l’âge de quatorze ans.

http://idata.over-blog.com/0/29/45/47//Certificat-d--tudes-avec-l-gende.jpg


L’informatique n’avait pas encore bousculé nos habitudes, tu n’avais pas à ta disposition  un logiciel de PAO, pas plus qu’un  traitement de texte… et encore moins  un correcteur d’orthographe !

 

Mais tu savais que si on écrit : « Pour trouver… » il suffit de remplacer « trouver » par un verbe du deuxième groupe ;  cela devient « pour finiR ». Ayant entendu le « R » à la fin de « finiR », on  confirme le fait que « trouveR » doit également se terminer par un « R ».

 

Mon cher Oncle Jo, excuse-moi de t’avoir  dérangé, toi qui te fiches sans doute maintenant  de la subtile différence qui existe entre l’infinitif,  le participe passé, et le verbe conjugué à la deuxième personne du pluriel…

 

Affectueusement, ton neveu,

 

Bernard

 

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La fête au village

15 Mars 2008 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 A Chérancé, tout  comme dans bien d’autres communes de France  et du sud Mayenne, se tenait chaque année la traditionnelle Assemblée, la fameuse « assembieu »…
Pour nous autres gamins qui avions parfois du mal à nous repérer dans le temps, il y avait un signe avant-coureur. Telles les hirondelles qui annonçaient le printemps, le camion du père Gaucher était guetté avec une impatience que nous avions du mal à contenir.
Et le jour où nous l’entendions arriver, c’était la joie immense de se dire : on va faire la fête.
Il arrivait en milieu de semaine, avant même que les membres du Comité des fêtes ne commencent à pavoiser le bourg avec des guirlandes.
Fameux camion ! Il sortait tout droit de la guerre ! Mais pas de la seconde ! Non, non, la « Grande Guerre », celle de 14-18 !!!
Je ne saurais dire quelle était la marque de ce véhicule brinquebalant, mais il roulait en faisant un bruit épouvantable. Les jantes me semblaient être en bois… sur des bandages en caoutchouc plein !
Un détail m’est resté gravé : les « clignotants » !!!
A une certaine époque, les conducteurs signalaient leurs changements de direction comme les cyclistes, avec leur bras, en le mettant à la portière. Et puis on avait vu fleurir des systèmes avec des « bras mécaniques éclairés et articulés » qui par un mouvement de haut en bas attiraient l’attention du conducteur se trouvant derrière…
Et le père Gaucher avait été séduit par ce système digne du modernisme ambiant, qu’il avait fini par adapter à sa sauce.
Il avait installé sur chaque côté de son camion un simple morceau de bois peint en rouge, et lorsque le père Gaucher souhaitait virer, il lui suffisait d’agiter l’extrémité d’une des ficelles se trouvant juste devant son volant pour faire fonctionner son bras articulé. 
parquet-du-bal.jpgNous admirions l’ingéniosité du bonhomme !
 
Commençait dès lors la construction des différents stands.
Un peu plus tard arrivait l’entrepreneur de bals, qui déchargeait son parquet sur la placette. Puis avec l’aide de ses compagnons-musiciens, il assemblait tout son puzzle sous l’œil intéressé des marmots du village… Et dès que la salle de bal était montée, nous partions à sa conquête. Il faut dire que cela nous permettait de jouer bien à l’abri, dans cette « immense » salle provisoire   recouverte d’une bâche ; quant au parquet merveilleusement patiné par les couples de danseurs, il se comportait nettement   mieux qu’une mare gelée pour y effectuer de longues glissades. Bien sûr, il fallait jouer dans ce bal sans se faire prendre par l’entrepreneur, qui nous houspillait parfois. Mais dès qu’il était reparti chez lui…
La petite allée longeant l’église était l’objet de nombreux préparatifs.
C’est d’ailleurs à cet endroit, à la porte de l’église, que nous avions l’habitude de nous regrouper les jours de « sacre ». En effet, c’est à la sortie que les « noceux » ou les « baptêmeux » nous lançaient à la volée des pièces de 1 Franc et des dragées, pour lesquelles nous nous battions comme des chiffonniers. Les friandises n’étaient pas enveloppées, elles roulaient dans la poussière, mais nous les dégustions avec délices…
Pour la fête du village, de chaque côté de l’allée, le garde champêtre installait des poteaux dont l’utilisation nous apparaîtrait plus clairement le dimanche suivant.
La fête communale, c’était l’occasion de relever des défis, de montrer sa force ou sa sagacité…
Les plus grands pouvaient le faire lors de la course cycliste « interrégionale ».
Mais pour les gamins que nous étions, il y avait les jeux traditionnels !
Pour la course à l’œuf, chaque participant  insérait   dans la bouche une cuillère à soupe contenant un œuf ; puis après le top départ, il fallait franchir la ligne d’arrivée le premier en n’ayant pas fait d’omelette… et pas question de tenir la cuillère avec les mains au risque d’être disqualifié par le garde champêtre à la vigilance pourtant bienveillante !
La course en sacs   voyait s’affronter des enfants dont les deux jambes se trouvaient enfermées dans un sac de jute… inutile de courir ; il fallait absolument sauter… en évitant de se casser la figure… mais le bon public se régalait lorsque les coureurs s’entrechoquaient et tombaient comme des quilles !
Le mât de Cocagne permettait aux plus agiles de grimper le long d’un poteau afin d’aller arracher un objet enveloppé dans un papier journal …
 
On avait droit aussi aux « pots cassés » : yeux bandés et muni d’une perche, il fallait éclater un pot de terre suspendu   à une ficelle tendue entre deux poteaux. Inutile de dire qu’on « brassait un peu d’air » avant d’atteindre la cible…. Et on avait même parfois droit à une douche, car certains pots contenaient de l’eau, de la farine, de la sciure ; mais tous finissaient par lâcher une récompense.
 
course-aux-grenouilles.jpgLa course aux grenouilles avait ses fervents partisans. Chaque concurrent devait pousser une brouette dans laquelle on mettait juste avant le départ quelques grenouilles qu’il fallait bien évidemment avoir encore comme passagères à l’arrivée. Et pour ce faire, on piquait parfois à même le sol les sauteuses d’un concurrent malheureux !
 
Parmi tous ces divertissements   hauts en couleur figurait : le « baptême des tropiques »… peut-être hérité de la période coloniale encore toute fraîche dans les mémoires ?
Un concurrent prenait place dans la charrette à bras du garde champêtre, un adulte poussait vigoureusement l’attelage en courant. Et tel un chevalier du Moyen-âge se livrant aux joutes, le passager muni d’une lance devait viser un petit trou ménagé dans une planche suspendue en travers de l’allée… mais si on ratait son coup, un ingénieux système se chargeait de vidanger l’eau contenue dans un seau…
Chaque jeu donnait droit à des récompenses : deux ou trois pièces, des friandises…
 
Avec ces quelques sous gagnés aux jeux, nous allions faire marcher le commerce : trouer des cartons au stand de tir tenu par la mère Gaucher, loterie, achat de cacahuètes grillées…
Les nombreux cafés qui entouraient la place faisaient eux aussi un commerce florissant, et certains fêtards avaient parfois un peu trop abusé de la boisson. Ce qui nous donnait la possibilité d’assister à des spectacles souvent comiques d’hommes un peu éméchés… mais il arrivait que les types soient tellement ivres qu’ils cherchaient la bagarre, ou s’effondraient lamentablement sur l’herbe de la petite place… 
Pendant ce temps, le bal battait son plein.   Sur l’estrade un orchestre local, avec accordéon, batterie, saxo, banjo… La salle était surchauffée, et on devait relever les bâches latérales afin de donner un peu d’air aux danseurs dont le visage rouge de plaisir   se penchait goulûment vers l’extérieur. Nous tentions parfois de pénétrer dans le bal, en nous glissant parmi la forêt de jambes des couples qui virevoltaient… mais on se faisait rapidement sortir.
 
Et puis tard dans la nuit, le bal musette mettait fin à ses flonflons.
Le lendemain avant même que la classe ne reprenne, nous rôdions autour du bal ; les plus téméraires se glissaient sous le parquet… à la recherche de quelques pièces qui auraient pu échapper aux danseurs, perdues au travers des lattes pas toujours jointives… Et nous y retournions le soir… Il faut dire que la « cueillette » se révélait parfois fructueuse.
Autre source de revenus : la pêche aux « bocks ». Il suffisait de ramasser dans le bourg les nombreuses cannettes de bières que les soiffards avaient abandonnées ici et là ; chaque cafetier offrait un « petit sou » en fonction du nombre de bouteilles qu’on lui rapportait
 
Et puis l’entrepreneur de bal démontait son « parquet » ; le père Gaucher démontait ses baraques, les rangeait sur son camion.
Puis quand il partait, nous l’escortions joyeusement… Lui donnant rendez-vous à l’année prochaine.
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