chroniques des annees 50
Vive le progrès!
Depuis quelques jours, j'ai entrepris de faire un peu le ménage dans mes archives.
J'y ai retrouvé la copie de mon diplôme du bac, celle de mon Certficat d'Aptitude Pédagogique, la facture de ma Renault 8...
Et...
Un bulletin de salaire alors que j'étais encore "Normalien"... en stage de formation professionnelle.
Feuille vierge issue d'un duplicateur à alcool. (Dont la forte odeur asticote à nouveau mes narines)
Document rempli "à la main", de façon très artisanale, avec calculs non moins artisanaux!
Le tout réalisé très proprement! Sans aucune rature.
Pas de traitement de Texte style Word ou de tableur Excel...
Au stylo, m'sieurs dames!
Et la tilde placée au bon endroit au-dessus du N...
MUÑOZ
Je me marre quand je vois ça.
Avec le développement de l'informatique, on a embauché à tour de bras des gens du tertiaire qui, gratte-papiers contemporains, avec des outils apparemment très performants, sont moins "bons" que dans l'temps.
Il suffit de constater les délais actuels pour obtenir une carte d'identité... ou une carte grise...
Pensez-vous qu'on ait fait de réels progrès?
Souvenirs en rapport avec la ville de Mèze
J'ai adressé un courriel à la Mairie, et en retour, j'ai reçu une réponse du service patrimoine. Avec quelques détails que j'ai pu apprécier. (Merci à Guy Bastide)
Et puis sur ma lancée, j'ai éprouvé le besoin de me remémorer encore quelques autres souvenirs.
La montée et la descente de l'esplanade, au soir, à la fraîche.
Le dimanche matin où mon oncle achetait son journal, le traditionnel billet de la loterie nationale (ce qui lui permit un jour de dégoter un gros lot), esplanade où, entre hommes, nous dégustions notre "apéro" à la terrasse du "Commerce". Pour moi, c'était une limonade ou une grenadine!
Et puis la nuit tombée, le spectacle du long cordon lumineux d'un train qui cheminait de l'autre côté de l'étang, sur le lido en face du port... et dont nous pouvions entendre le grondement sur les rails, lorsque le vent était "marin".
Le port des barques. Puis les parcs (huîtres et moules) Et sur l'horizon, le mont Saint-Clair de Sète
C'était l'époque où de nombreux chats maigrichons zonaient dans les rues étroites de la vieille ville... se chamaillant pour une tête de poisson...
Je dégustais les délicieuses odeurs qui embaumaient les rues avant les repas.
Contraste avec la tinette... moins agréable du point de vue olfactif!
J'adorais le port, avec ses "pointus" et les moteurs rétifs qu'il fallait démarrer à la manivelle.
Ou encore les magasins des pinardiers sur le quai, où stationnaient des wagons prêts à convoyer la production locale. Et cette agréable odeur de fleur de vin.
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"Magasins" actuellement transformés en restaurants!
Ah... lorsque j'évoque Mèze, ce sont encore mille souvenirs toujours très présents dans ma mémoire!
Tels que les palabres en "patois" lorsque les "anciens" échangeaient à haute voix en occitan! On pouvait même penser qu'ils s'engueulaient!
Et puis la langue espagnole, très présente...
Lorsque la télé est arrivée, je me suis amusé de voir certaines personnes s'asseoir dans la rue afin de bénéficier des programmes de la premier chaîne... au travers des fenêtres grillagées qui protégeaient des moustiques omniprésents! Tout ça en quadriphonie, voire plus!
Et puis est arrivée la deuxième chaîne, bousculant les habitudes en raison d'une cacophonie indescriptible.
Chacun s'est alors isolé chez soi... et les rassemblements sur l'esplanade ont connu un immense déclin!
Mais il est resté le boeuf, le chevalet, les joutes languedociennes, le tambourin, la "plagette"😉...
Puisque j'ai démarré mon "papier" avec l'étude(?) des noms de lieux mézois... moi qui habite en Mayenne, avec pour chef-lieu Laval, je suis curieux de savoir quelle est l'origine du chemin de Laval justement!
Si vous avez des pistes! Ou d'autres souvenirs à partager...
J'ai reçu:
Chemin de Laval: Cadastré déjà en 1812, ce lieu- dit jadis en friche est une dépression au milieu de la plaine littorale traversée par un ruisseau où l’on faisait autrefois rouir le chanvre- Toponyme très répandu sous la forme LAVAL…L’écriture la plus judicieuse serait celle ou l’article VAL est détachée du substantif. Le VAL correspond à la situation géographique….Aujourd’hui, lieu urbanisé.
Vous en souhaitant bonne réception
Guy BASTIDE
Musée vivant de l'école à Laval
Que je vous raconte...
Vous en saurez davantage dans quelque temps, mais j'ai deux compères qui se sont mis en tête de faire "un petit quelque chose" à propos de l'Ecole, en "utilisant" le vieil instit que je suis... Sorte de spectacle dont je ne connais moi-même presque rien.
Sauf que pour "planter le décor", mes deux acolytes ont pensé qu'il serait bon de rendre visite au Musée situé à Laval.
C'est pourquoi, en ce début d'année 2019, nous avons tous les trois débarqué dans la cour de cette ancienne école... à laquelle se rattache un souvenir personnel.
Figurez-vous qu'en janvier 1965... élève de l'Ecole Normale, j'y débutais un stage d'un mois dans la classe de Marcel Hareau, maître d'application chargé du Cours Préparatoire. 53 ans d'écart!!! Une paille...
Toujours est-il que mon ami Gérard a expliqué ce qu'il avait l'intention de faire, et ce dont il aurait besoin... On lui a répondu que le Musée pouvait mettre à disposition des documents, du matériel...
Et pendant ce temps-là, je me suis extrait du petit groupe afin de fouiner dans ce merveilleux capharnaüm aux odeurs très particulières.
Je ne vous ferai pas l'inventaire de tous les souvenirs qui sont remontés à la surface... il me faudrait un livre entier...
D'autant plus que, comme le soulignait malicieusement mon grand-père Duarté: "Tu es entré à l'asile des petits à l'âge de deux ans... Et tu n'as jamais su faire autre chose que d'être à l'école..."
C'est vrai... C'est sans doute pourquoi je suis comme une sorte de mémoire vivante d'un monde ayant peut-être pris fin avec le siècle précédent.
Combien d'objets ont réveillé en moi...
Pêle mêle...
La boîte servant à arroser le parquet afin de "fixer" la poussière...
La craie de section carrée extraite des carrières, et celle moulée en plâtre... Les gravures Rossignol... les cartes de géographie avec l'AOF et l'AEF... le Tonkin... Les Terres Australes...
Les différents appareils de projection... le duplicateur à alcool... la blouse grise... les buvards... les bons points... l'ardoise et son crayon d'ardoise...
Non, non... j'arrête là!
Mais je ne peux passer sous silence les agressifs porte-plumes trempés dans les encriers de porcelaine contenant le fameux liquide violet...
Et puis... et puis... J'ai subrepticement demandé si, par hasard, le Musée ne disposerait pas d'un manuel d'apprentissage à la lecture.... intitulé..
Le voyage de Macoco!
Et pourquoi celui-là plus qu'un autre? Oh, tout simplement parce que lors de mon arrivée à Bais, on m'a chargé d'un CP/CE1... avec l'obligation d'utiliser cette méthode de lecture... Dont le fil conducteur est Macoco, petit enfant noir qui parcourt le monde en compagnie du pilote Emile...
Et on m'en a présenté un exemplaire!!!
Souvenirs, souvenirs...
Au risque de passer pour bavard (mais j'assume)... je ne peux terminer ce rapide exposé sans vous conseiller de rendre visite à ce musée... Il est animé par quelques bénévoles passionné(e)s... qui recherchent un autre local que celui occupé actuellement... parce la Mairie de Laval souhaite reprendre possession de "ses biens" au plus tôt.
Je trouve très regrettable (et je pèse mes mots!) que les instances dirigeantes n'aient pas l'envie de soutenir cet important travail de mémoire.
Le point commun de tous les petits Français est assurément l'Ecole... et je ne me résous pas à penser qu'un jour tous les documents rassemblés ici puissent disparaître faute d'un "repreneur".
En attendant, si l'Histoire de l'Ecole vous intéresse, allez faire une visite rue de Bel Air.
Le détour en vaut vraiment la peine!
PS à l'adresse des Maires du département: si vous avez des locaux disponibles... n'hésitez pas à vous manifester!
Datif? ou Accusatif?
Il est des matins, comme ça, où on ne pense à rien de spécial.
Mais il va suffire d'un détail pour mettre en oeuvre la machine à remonter le temps.
Figurez-vous que mon regard "tombe" sur la quatrième de couverture du magazine envoyé par ma mutuelle santé.
Et qu'y vois-je?
Tout simplement ça:
"Ben quoi, me demanderez-vous? Qu'y a-t-il d'extraordinaire à propos de cette page?"
Si ça ne vous rappelle rien, pour moi, c'est synonyme de visites chez l'ophtalmo...
Vous savez, ce tableau blanc avec des lettres toutes petites en haut... et un gros ZU en bas...
Mais au-delà de ce ZU... dans ma petite tête s'est mise en route une gentille chansonnette:
Que l'on peut trouver sur le Net ainsi que le prouve la vidéo qui suit:
Chez moi, c'était sans la musique. Mais très scandé...

Scories de mon instruction aux langues... sans doute!
Et immédiatement après ce lancinant aus bei mit nach seit von zu
Un souvenir du gosse que j'étais aux alentours de ma dixième année.
On m'avait mis en pension dans l'honorable Collège de Château-Gontier, qui arborait au fronton de son portail:
Université de France. Rien que ça, Mazette.
J'étais le seul de mon espèce parmi les pensionnaires à fréquenter la classe de monsieur Le Naour... au CM2.
Et quand pour quelque raison que ce soit, le brave homme était absent... je devais m'enquiller toutes les heures de permanence dans cette grande salle aussi longue qu'un jour sans pain.
C'est la raison pour laquelle, afin de me trouver une occupation, les pions me confiaient le cahier d'absence que je trimballais de classe en classe... où j'étais la plupart du temps fort bien accueilli.
Sauf... sauf... lorsque je frappais à la porte de monsieur Guérin.
Je me souviens de ma toute première rencontre avec ce professeur émérite et distingué.
Je toque timidement la lourde porte en bois...
Et derrière, j'entends comme une "gueulante" à laquelle je n'attribue aucune signification...
Deuxième tentative.... Re-gueulante...
Quelques secondes... et s'ouvrant à la vitesse de l'éclair, la porte me donne en spectacle un énergumène gesticulant et vociférant des trucs incompréhensibles.
Fou-rire sur les gradins...
Et moi, apeuré, de me demander ce qui se passait.
J'ai fini par comprendre, que "Toto Guérin" enseignait l'allemand... Qu'il ne s'exprimait qu'en allemand...
Et qu'il m'avait balancé un puissant "Herrein" pour me signifier d'entrer.
Bien que pas forcément ravi d'aller frapper à sa porte, j'ai vécu plus sereinement les autres "Herrein"!
Et puis, l'année suivante, je suis entré en sixième...
Petit-fils d'Espagnols... J'aurais voulu choisir espagnol en première langue... mais ce tout petit collège ne pouvait se permettre le luxe de proposer un tel choix.
C'est alors que, face à cette situation, mon père avait tranché tout net:
"Bon, tu feras pas espagnol, mon fils... Mais faut qu'on se réconcilie avec les Allemands. C'est pas parce qu'ils ont fait péter mon char sur une mine par deux fois... Tu feras allemand première langue, mon fils..."
"Oui, p'pa..."
Il paraît que je n'ai pas été un mauvais élève... Mais j'ai subi ce matraquage linguistique... issu d'une méthode pédagogique "musclée".
Caractérisée par la récitation automatique d'un certain nombre de listes mnémotechniques...
Parmi lesquelles figurait la chansonnette
durch - für -ohne - gegen - um - wider.
Prépositions qui gouvernent l'accusatif
Et l'inévitable litanie des prépositions qui gouvernent le datif, à savoir:
aus bei mit nach seit von zu

Ich hatte etwas zu sagen!
Souvenirs du Midi

Au Lion d'Or à Bais
Je suis passé ce matin dans le centre du bourg, et j'ai poussé la porte de l'Hôtel restaurant le Lion d'Or.
Je savais que ses propriétaires avaient longtemps exposé une ancienne carte postale.
Que j'ai évoquée avec eux.
Et ils sont allés illico chercher le cadre! Qu'ils m'ont prêté...
Je vous propose donc le cliché en question.
Sur le pas de la porte, se trouve Bernadette Douillet, née en 1924 et toujours vivante en ce mois d'août 2017. Elle habite d'ailleurs le bâtiment qui jouxte l'hôtel.
La carotte rouge insigne des bureaux de tabac...
Le panneau des cars! CDLM... Les Courriers De La Mayenne... avant de devenir STAO: Société des Transports Automobiles de l'Ouest.
Connaissez-vous l'histoire du petit drapeau à l'intention du conducteur du car, un certain monsieur Trou, de Pré en Pail?...
Qui, après avoir quitté Bais, me conduisait vers Izé, St Thomas, Trans, Courcité, Averton... avant je ne rejoigne ma destination: Villaines la Juhel, où résidaient mes grands-parents dans la rue du Bignon...
(Voir mon bouquin "Chroniques des années 50 en Mayenne")
http://bernardino.over-blog.net/article-chroniques-des-annees-50-en-mayenne-103232707.html
bernardino.over-blog.net Cela faisait déjà un bon moment que l'idée me trottait dans la tête... pas encore dans celle du gamin que j'étais... tenant le jet d'eau! Mais sait-on jamais? |
Actuellement transformé en terrasses, ce passage devant l'hôtel était un passage obligé en axe Nord/Sud, jusqu'à ce que soit percée l'avenue Auguste Janvier...
Ah, souvenirs, souvenirs...
La rue du Bignon à Villaines la Juhel
Au moment où j'ai terminé la mise en ligne du précédent article intitulé "Vive la photo"... je me suis demandé si...
Si quoi?
Parce que j'évoque à maintes reprises la rue du Bignon, celle qui m'a vu naître un lundi 20 novembre 1944... jour de marché.
J'étais persuadé que j'avais mis à votre disposition l'article que je lui avais consacré dans mon petit ouvrage intitulé "Chroniques des années 50 en Mayenne"... article qui avait été repris plus tard dans un numéro de l'Oribus...
http://bernardino.over-blog.net/tag/chroniques%20des%20annees%2050/
Et en épluchant ce blog, je me suis rendu compte qu'il n'en était rien! J'avais omis de vous faire partager "mon territoire".
Alors je tiens à réparer cet oubli, en vous offrant "ma rue du Bignon".
Vous en souhaitant bonne lecture!
La rue du Bignon
« J'avais franchi les Monts qui bornent cet Etat,
Et trottais comme un jeune Rat
Qui cherche à se donner carrière… » La Fontaine
Villaines la Juhel possède sa « rue du Bignon ».
Lorsqu’on se pose la question de savoir pourquoi elle est ainsi nommée… on obtient quelques réponses du genre : Bignon vient du gaulois "bugnon" (tronc d'arbre) ou de "burria" (source jaillissante).
J’ai beau remonter au plus loin de ma mémoire, jamais je n’ai rencontré de tronc d’arbre ou de source jaillissante… Mais peut-être que, dévalant la rue de la Fosse Dodin…
C’est dans la rue du Bignon qu’habitait ma famille lorsque je suis né. Et tout naturellement, elle a constitué mon premier univers, elle a été la source… de mes premières explorations, de mes premières découvertes.
Les jours de foire ou de marché, j’ai le souvenir des longues files noires de charrettes dételées, imbriquées les unes aux autres par leurs timons reposant au sol.
Mais l’une des toutes premières découvertes est d’origine sonore, lorsque monsieur Coulange, le voisin de mes grands-parents revenait avec sa voiture automobile, qu’il klaxonnait puissamment devant le portail, et qu’il criait, à l’adresse de son épouse : « Louiiiise ! »
La femme arrivait alors en trottinant promptement, ouvrait les deux battants du portail de bois, et notre expert (géomètre ou comptable, je ne sais plus) faisait alors entrer son véhicule qui pétaradait en escaladant le léger raidillon. A propos de cette voiture noire, je me demandais bien ce que pouvait vouloir dire « moteur flottant » !!! Le sais-je maintenant un peu mieux ?!
Lorsque j’eus le droit de quitter seul le logis maternel, j’eus la possibilité de découvrir d’autres particularités. Mon « Etat » se bornant à la seule rue du Bignon.
Descendant en direction d’Averton ou de Courcité, on trouvait sur la droite un immense atelier de ferronnerie au plafond d’une hauteur impressionnante, puis dans le virage, une boutique de matériel agricole, avec une enseigne Mac Cormick. En face, les pompes à essence « Azur » du garage Tireau. Curieuses pompes aux allures d’extra-terrestres avec leurs deux tubes de verre qu’un balancement du levier remplissait en alternance. Un « schplock » suivi d’un « pchhhhhuuu » et la bonbonne déversait alors 5 litres d’essence à chaque fois. En regardant vers Averton on apercevait la chapelle du « Fourneau ». Remontant la rue côté droit, l’atelier d’un charron jouxtait le garage où travaillait mon oncle Gabriel… Plus haut, je restais planté devant les portes vitrées qui abritaient la menuiserie aux douces senteurs de bois dans laquelle travaillait Monsieur Leroux. C’était un petit homme dont l’importante calvitie me surprenait. Il vivait au milieu d’un tas de copeaux frisottants, et lorsqu’il mettait en route son impressionnante scie à ruban ou sa dégauchisseuse, je détalais rapidement. Dans l’angle de la rue formé avec la «Fosse Dodin » la vitrine du tailleur Letourneux était comme un poste d’observation aux multiples vitres. Il déménagea plus tard pour s’installer Grande-Rue.
En face, la maison de mes grands parents. C’est là que, les soirs d’été, mon grand-père prenait plaisir à sortir des chaises sur le trottoir. Et il s’asseyait à califourchon, ses bras prenant appui sur le dossier. Forcément, je l’imitais !
De ce poste d’observation, on pouvait voir un peu plus haut, à droite en remontant, le grand hangar de la famille Peslier, puis une petite épicerie… Plus haut encore, le café de Madame Lenormand, maison à plusieurs étages où l’on allait jouer au billard dans une salle située au second. Salle qui empestait la fumée refroidie. Gentille Madame Lenormand, qui nous laissait jouer plus longtemps que ne le permettait la modique somme que nous lui avions donnée pour accéder au billard.
Encore en remontant, les senteurs appétissantes qu’exhalait la boulangerie tenue par Madame Colin. Quelques marches à gravir permettaient d’accéder au royaume des sucettes « Pierrot Gourmand ».
C’est à cet endroit que la rue décrochait pour donner accès à une ruelle débouchant rue d’Alençon. Rue Robillard donc, on trouvait de nombreuses arrière-boutiques pour lesquelles les vitrines donnaient sur la place des Halles. Celle d’un épicier se trouvait tout en haut, et elle fleurait bon l’huile, le vin, le sel. Mais c’est surtout l’abattoir du boucher qui m’impressionnait. Il n’était pas rare d’entendre crier un animal qu’on égorgeait ; la vue du sang me figeait, et selon le moment du sacrifice, les odeurs y étaient très diverses… Je n’ai jamais pu supporter très longtemps ce spectacle…
Vite je déboulais vers le grand magasin de vêtements dont la vitrine imposante et la mezzanine intérieure me semblaient constituer le symbole du grand chic parisien… les différents tissus glissaient leurs parfums sous la porte et ils parvenaient jusque dans la rue.
Ayant à cet endroit atteint la limite de mon rayon d’action, je pouvais alors entamer la descente.
Mais il me fallait tout d’abord m’arrêter longuement en face, devant la vitrine du grand bazar. Boutique que tenait Maria Watbled. Ce nom à la consonance étrange me faisait imaginer de lointains voyages afin de découvrir son origine. Mais combien d’heures ai-je pu passer le nez collé au carreau ? Et quand j’avais la chance d’entrer dans cette caverne d’Ali Baba, c’était l’émerveillement total. C’est là que j’eus mon premier masque, mon premier fusil à flèches, ma première toupie ronflante, mon premier train électrique avec ses gros rails à trois brins. J’eus aussi un sous-marin, que je perdis à Chérancé lorsqu’il ne ressortit pas des buses passant sous la route en face la ferme Le Pin…
C’est dans ce bazar-là aussi que j’allais souvent acquérir les petites boîtes de « capsules », les fameuses amorces de couleur violine que l’on faisait péter soit avec un revolver idoine, soit simplement avec un caillou. L’odeur rappelait celle d’une allumette craquée… C’était bien avant qu’on puisse avoir des revolvers actionnant un chapelet d’amorces comme dans une mitrailleuse.
C’est dans ce bazar aussi que j’obtins plus tard un petit avion équipé d’un moteur fusée de marque Jetex… et la voiture, toujours munie du même propulseur, qui tournait en rond arrimée par deux câbles d’acier à un lourd pylône central … Elle a fini sa carrière explosée dans le muret bordant notre maison du bourg à Chérancé !
Un tout petit peu au-dessous du bazar Watbled se tenait la graineterie Girard pour laquelle il fallait descendre quelques marches afin d’entrer. Endroit un peu sombre où les senteurs agréables des semences de blé, d’orge ou d’avoine tentaient de masquer celles que dégageaient les sacs « Potasses d’Alsace » près desquels trônait une bascule au dixième… J’avais parfois le droit d’y monter pour me peser. Mais il ne m’était pas permis de soulever les lourds poids en fonte posés près d’elle.
Toujours un peu plus bas il devait y avoir un artisan peintre… Chez Bréhin...
Plus bas encore, le café Bâtard, où l’on allait jouer au ping-foot. Curieux bistrot dans lequel je crois me souvenir d’une forte odeur de… laiterie! Ces gens devaient posséder quelques vaches et vendaient leur production au détail.
Deux ou trois maisons encore, et je contournais par la droite le portail de bois afin d’entrer dans la courette où m’accueillait la pompe à bras de mes grands-parents. Grand corps de fonte maigre posé sur un socle de granit, échalas muni d’un balancier qu’il fallait actionner afin de faire remonter l’eau du puits. Une drôle de machine capricieuse qui désamorçait parfois : il fallait alors lui retirer son chapeau et verser de l’eau par en haut ; après quelques vigoureux coups donnés au manche, le piston reprenait son travail. C’est pourquoi, dans la perspective d’une défaillance possible, il était prudent de garder en réserve quelques litres d’eau pure…
En hiver, la coquette risquant de geler, il fallait l’emmailloter avec de la paille et des sacs de jute…
Sur la façade de la maison exposée au soleil courait une vigne : mon grand-père la traitait à la bouillie bordelaise à l’aide d’un lourd pulvérisateur qu’il portait sur le dos. Bien après la disparition de cette treille, le mur a gardé sa parure de vert émeraude en dégradé.
Je pourrais ainsi longuement parler de la rue du Bignon. Des Noëls, des fêtes de famille, des veillées devant la cheminée…
Tout comme le souriceau de La Fontaine, j’y ai fait mes premières armes, mes premières découvertes, avant de la quitter pour débarquer à Chérancé. Mais pour mieux y revenir aux vacances scolaires.
Je délaissais la « petite » ville de ma « petite » enfance aux horizons limités par les murs… pour découvrir les charmes de la vaste campagne, aux horizons limités seulement par les haies.
J’allais alors découvrir un autre monde.
Tout aussi passionnant.
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Picasa Web Albums - Bernard Munoz - La rue du Big...
Photos by Bernard Munoz, Jan 10, 2016 - Des photos de "mon" territoire, quelques décennies plus tard!
https://picasaweb.google.com/104003666207931930280/LaRueDuBignonAVillainesLaJuhel
la rue du Bignon, quelques décennies après ma naissance!
Vive la photo!
Rares sont les occasions de se replonger dans les albums de photos qu'ont pu laisser nos prédécesseurs.
Parce qu'il faut en avoir l'envie et le temps.
Mais dans ma famille, il semble qu'une tradition photographique soit nettement ancrée. Car mes parents ont eu l'heureuse idée de nous léguer quelques volumineux albums, dans lesquels s'entremêlent de façon non chronologique une foule de clichés se rapportant à de nombreux événements familiaux.
Du visionnage que j'ai pu effectuer hier en compagnie de mes soeurs, j'ai extrait quelques documents que j'aimerais vous faire partager.
Le premier... Il s'agit sans nul doute de mon frère Jacky.
Attentionné qu'il est à cadrer sa photo... alors qu'il est lui-même mis en boîte soit par mon père soit par le frère aîné que je suis. La scène se déroule en Espagne... fin des années 50.
L'appareil? Mon frère m'a dit se souvenir qu'il l'avait reçu lors de sa communion.
En comparant celui-ci avec des documents glanés sur le Net, il me semble pouvoir dire qu'il s'agit d'un Kodak Brownie flash... pas encombrant pour deux sous avec son énorme flash sur le côté!!
Davantage de renseignements via ce site:
http://derpantoffel.blogspot.fr/2013/08/kodak-brownie-flash-hawkeye.html
Le deuxième? Il s'agit d'une photo de famille, réalisée dans le jardin au 28 rue du Bignon à Villaines la Juhel. Là où je suis né.
On y voit mes grands-parents Duarté et Munoz, ma mère, mon frère Jacky et ma soeur Marie-Jo. Juste devant ma grand-mère Antonia, je me cache les yeux.
L'auteur du cliché? Il ne peut s'agir que de mon père, absent sur le document, mais dont l'ombre figure au tout premier plan!
Troisième photo... à caractère quasiment historique!
L'arrivée des Américans à Villaines la Juhel. Cliché réalisé au bas de la rue du Bignon, carrefour de la route d'Averton et de Courcité.
Au premier plan, une pompe à essence du garage Tireau. Marque Azur? Je crois me souvenir que l'étoile était bleue...
Puis une Jeep et sa remorque qu'entourent quelques GI's.
Et un char dont les chenilles soulèvent de la poussière.
Date du cliché? Sûrement quelque temps après le débarquement de juin 1944... Quelques petits mois avant ma naissance.
Et puis je voudrais terminer cette rapide évocation de mes souvenirs avec une image qui m'a particulièrement touché. Presque symbolique en ce qui me concerne!
Je trône fièrement sur un tricycle nommé cyclorameur. Propulsion sans pédales, uniquement à l'aide des bras...
En arrière-plan, du linge étendu au fil, chez les voisins Dilys. (Orthographe incertaine)
Et sur la gauche du cliché?
Un avion même pas quadri, mais hexamoteur! Le luxe!!!
"Déjà, diront certains, se manifestait son goût pour les choses volantes!"
Avec ces quelques documents, je vous ai entrouvert mon propre album de souvenirs.
Ce qui vous permettra sans doute de comprendre pourquoi les avions, la photo... et le déplacement sur un engin équipé de roues étaient au rang de mes activités favorites!
Le patois mayennais et ses adeptes
Que j'vous raconte...
Anis del mono
Que je vous raconte!
Pris d'une soudaine envie de rangement dans ma cave, j'ai commencé à fouiner, à trier... Quand je suis tombé sur deux bouteilles.
La pause café. José-Bernardino Duarté (coiffé d'un béret), Miguel Oltra (beau-père de mon oncle Gaby), puis mon cousin Jean-Louis. Et dans l'angle gauche: mon cousin Pascal
De gauche à droite, Miguel Oltra, son épouse Marie-Louise, ma grand-mère bisaïeule Encarnacion au visage à demi-caché par la bouteille "Anis del Mono"), moi(!), Antonia et mon cousin Michel Duarté.