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Photo / VTT / Billets d'humeur /  Géocaching / Modélisme / Années 50

chroniques des annees 50

Les roulements à billes

3 Avril 2006 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 

 

Dans les années 50,  nous consommions  à moindre coût, et tout ce qui pouvait être utilisé  en tant que jouet était invariablement détourné de l’utilisation première.

C’est ainsi que nous étions à l’affût des « dépotoirs » ou autres décharges sauvages  que nous visitions avec une curiosité pleine de gourmandise.

Et parmi nos trésors, figuraient les dynamos de vélos dont nous étions très friands.

Les aimants qu’ils contenaient nous fournissaient  des jeux attrayants, voire attractifs, et pas repoussants du tout !

Parmi les expériences les plus magiques,  j’adorais celles réalisées avec la limaille de fer, que nous récupérions  dans la forge   sous les étaux du  père Poché.  Cette limaille qui  s’agglutinait   frénétiquement  sur l’aimant, et qu’il était fort difficile d’arracher !

Si on étalait  la limaille sur une feuille de papier, il suffisait de placer l’aimant dessous pour faire apparaître les belles courbures générées par les  lignes de forces.  On pouvait aussi faire circuler une pièce, une bille d’acier,  ou un bout de métal sur  un circuit tracé  à même la feuille.

Ou bien faire tenir debout un clou posé sur sa pointe ! C’était encore plus rigolo quand on pouvait  se procurer une caboche pour ferrer les chevaux. Qui prenait les allures d’une danseuse exécutant des pointes !!!

Parmi les  autres jouets de récup’   dont nous raffolions, il y avait les fameux roulements à billes !

On les trouvait parfois complètement graisseux, et un petit nettoyage suffisait. Plus délicat lorsqu’ils étaient rouillés, et il fallait se procurer du gas-oil ou de l’essence afin de les dégripper.

Quand ils étaient presque neufs et bien brillants,   ils   devenaient objets de luxe.

J’avais un plaisir immense à faire tourner  la couronnes externe qui émettait un léger bruit, et cela me faisait penser à une toupie. C’était pour moi une petite merveille de mécanique dont je ne me lassais pas.  

Parfois, je m’amusais à démonter  ces roulements afin de récupérer tout simplement… les billes.  Et comme il y  avait des roulement de  tailles fort différentes, nous guettions ceux  qui pourraient fournir  des billes dont le diamètre dépasserait le centimètre ; billes qui  étaient fort prisées pour jouer tout naturellement… aux billes !  Mais elles étaient lourdes dans la poche.

On les enveloppait dans nos mouchoirs, pour parer à toute défaillance… mais parfois elles s’échappaient subrepticement  de nos pantalons au beau milieu d’une leçon… et même sur le plancher de la classe,  leur bruit caractéristique  attirait inévitablement l’oreille affûtée du Maître ; les rebondissements impromptus  de la petite sphère  déclenchaient  quelques rires parmi les camarades. Il va sans dire que cette perturbation était sanctionnée par des tours de cours à la récré, voire un « verbe » qu’il fallait « conjuguer à tous les temps tous les modes », en soignant l’écriture, sinon, c’était à refaire….

C’est grâce  à cela que j’ai appris le merveilleux subjonctif… il était nécessaire que les instituteurs   me pardonnassent !!!

 

 

Mais le fin du fin, c’était les roulements à billes  d’un diamètre  important, ceux avec lesquels on pourrait   fabriquer une « caisse à savon ».

 

 

Je me souviens d’une fois où nous avions récupéré quatre de ces roulements, et  nous entreprîmes de réaliser  une voiture.

Auprès de mon père nous nous procurons  une caisse ayant contenu de la dynamite… une barre de bois clouée sous  l’arrière, sur laquelle on emmanche deux roulements.  Deux autres roulements  à l’avant sur une barre de bois  articulée par un gros boulon…  une ficelle  de lieuse en guise de « rênes »…  Quelques inscriptions à la peinture sur les côtés de la caisse… et roule petit bolide.

La côte vers Pommerieux était alors une magnifique piste  dont la descente était utilisée  pour  réaliser nos exploits.

A tour de rôle nous hissions notre « caisse », les plus téméraires se mettaient bien en haut, les plus timides se contentaient de la mi-pente.

 

 

C’est lors d’une de ces « compétitions » que ma soeur Marie-Jo  vint nous rejoindre. Le petit bourg étant surtout peuplé de garçons, elle  cherchait  bien évidemment  des compagnons de jeux.

Et devant nos mines réjouies, elle avait compris que nous avions un immense plaisir, qu’elle aurait bien voulu partager.

Elle fit tant et si bien que nous acceptâmes de lui prêter notre « caisse à roulettes »… pour une seule et unique descente !  On veut bien partager, mais quand même !!!

Rapidement, nous donnons les consignes :

 « Pour tourner à droite, tu tires sur la ficelle à droite ; pour tourner à gauche…

-         Et pour s’arrêter ? demande-t-elle timidement.

-         Ben c’est pas difficile, tu tournes à droite en direction du bourg, ou à gauche en direction de Mée, ça devient plat, ça va forcément s’arrêter ! »

-         D’accord ! »

 

Elle s’installe dans le baquet, nous la poussons un petit peu… et  nous courons derrière pour suivre l’engin qui entame sa descente dans le bruit infernal des roulements à billes caressant directement  le goudron…

Et petit à petit,   la vitesse augmente, la caisse commence à zigzaguer… Marie-Jo semble  ne plus trop maîtriser l’engin qui infléchit sa course sur la gauche….

En un instant, j’entrevois la catastrophe : un grillage disjoint, et juste au-dessous, la mare à canards de chez Bellanger.

Je n’ai  le temps que de filer un coup de pied sur la barre de direction afin d’envoyer le bolide vers la droite où se trouve un fossé,  puis de cramponner ma sœur par ses vêtements afin de stopper l’attelage.

 

 

Ma sœur me rappelait encore tout dernièrement cette aventure qui lui procura une belle frayeur,  et m’avoua combien elle avait été dégoûtée des jeux de garçons…

Pour un temps, s’empressa-t-elle  d’ajouter !!!
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Les cabinets

2 Avril 2006 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 Lorsque j’étais écolier et que j'habitais Chérancé, je me souviens avec  « délices » des cabinets.

L’édicule  était relégué au fond du jardin, loin des narines, et son voisin était tout naturellement le tas de fumier sur lequel s’amoncelaient les  déchets ménagers que l’on n’avait pas pu donner en nourriture aux animaux.

Ces adorables cabinets  provoquaient chez moi une sorte de peur panique lorsqu’il fallait nécessairement les utiliser, et je ne suis pas loin de penser qu’ils sont à l’origine  de la constipation chronique dont je souffrais à l’époque.

Je ne les trouvais guère accueillants.

Une simple  planche de bois sur laquelle on s’asseyait, bien lisse à l’endroit où les fesses avaient   l’habitude de se poser; un trou bien rond qui offrait une vue plongeante sur le contenu de la fosse, mais que l’on recouvrait  avec un lourd couvercle de bois lorsqu’on avait terminé l’opération.

Souvent accrochées par un coin  à un simple bout de fil de fer, des pages de journaux coupées en morceaux. Au milieu d’autres lourdes senteurs, ces périodiques  puaient l’encre d’imprimerie; ils auraient pu à l’occasion  meubler utilement  le temps consacré à faire ses besoins. Mais pour ma part,  je les survolais rapidement, n’ayant que fort peu envie de séjourner longuement dans l’endroit.

L’hiver, ces cabinets étaient agréablement ventilés par les nombreux courants d’air qui pouvaient s’engouffrer par tous les orifices.

L’été, la chaleur exacerbait les senteurs profondes de la nature.

Afin d’assurer à l’occupant un minimum d’intimité ou de confidentialité, la porte était maintenue fermée  de l’intérieur par une pièce métallique recourbée, voire un simple  bout de fil de fer.

Et l’on pouvait s’émerveiller de voir combien ces indispensables  portes faisaient preuve  de créativité. Le talent artistique des gens avait généré  des ouvertures très décoratives, allant du petit cœur au simple carré, en passant par l’as de trèfle ou l’as de pique.

Chaque famille possédait ses propres cabinets, personnalisés!

Je me souviens d’une famille à qui mes parents rendaient visite, qui possédaient des cabinets à deux places côte à côte. Une place avec un grand trou pour les adultes, et une place avec un petit   trou pour les enfants.  Adorable… (Venaient-ils faire leurs besoins à deux?)

Mais cet aménagement  luxueux ne m’encourageait pas davantage à utiliser  leurs  lieux d’aisance.

Les cabinets recevaient chaque matin la visite de la mère de famille qui venait vider le seau hygiénique  émaillé que certains membres utilisaient  durant la nuit.

Cela me remet en mémoire ma découverte de la « tinette ». Lorsque je fus contraint d’aller chez ma tante à Mèze dans l’Hérault, je fus surpris d’entendre chaque matin le bruit d’une charrette que tirait un petit cheval. Je découvris à l’occasion qu’un homme conduisant l’attelage passait ainsi quotidiennement dans les étroites rues pavées de la vieille ville, qu’il s’arrêtait devant chaque seau hygiénique placé devant la porte des maisons, et après s’être assuré qu’il y avait bien une pièce glissée sous le seau, il la mettait dans sa poche et déversait le seau dans sa citerne…

Métier suffisamment  lucratif  pour nourrir son homme et  sa famille? Je n’en ai jamais rien su. Mais dans nos villages de l’Ouest, je n’avais jamais constaté une telle pratique.

En tout état de cause,  chez nous en Mayenne,  à force d’utiliser nos  fameux cabinets… il était nécessaire de surveiller leur état de remplissage, afin d’empêcher leur débordement:  il  fallait donc  songer à  les vider.

Cette  plaisante opération s’effectuait avec une « vouillette », sorte de seau métallique muni d’un long manche…

Les volontaires ne se bousculaient pas au portillon.

 

Mais l’Homme m’a toujours étonné par son génie créateur.

Au cours de mes années « 50 » les gens créaient donc de nombreuses  entreprises.  Et le faisaient savoir en affichant sur leur maison  une plaque : « Entrepreneur de…. »  tout comme mon père qui arbora le panonceau: « Entrepreneur de Travaux Publics »

C’est ainsi que l’on vit fleurir des « entreprises de vidange ». 

On commença donc à voir arriver des petits camions dotés d’une citerne avec lesquels  les vidangeurs entamèrent la tournée des cabinets de tous les villages  du canton, offrant par la même occasion une séance aromatique gratuite à tous les habitants.

Un gros tuyau traversait parfois les pièces d’habitation pour relier la citerne aux cabinets, et rien qu’en voyant les soubresauts du caoutchouc on percevait  très nettement les pulsations de la pompe mécanique.

Le soir, pour dormir… On avait beau aérer…

Son travail terminé, le vidangeur  s’en allait;  mais que faisait-il ensuite de son « précieux » chargement?

Mon père m’expliqua un jour que le vidangeur était un type plein d’astuce doublé d ‘un excellent commerçant: il se faisait payer  une première fois pour débarrasser  les gens de leurs déchets, mais il se faisait payer une seconde fois lorsqu’il répandait son chargement sur un champ afin de l’engraisser!

Ainsi donc le vidangeur « s’engraissait » doublement…

Il fallait y penser.

Et mon père d’ajouter avec malice : « On dit que l’argent n’a pas d’odeur…hein??? »

Mais  le progrès se montre parfois cruel avec les travailleurs  besogneux : petit à petit, les gens s’équipèrent en fosses septiques, les communes  mirent en service des WC publics et  firent creuser les rues afin d’installer le  tout à l’égout… Supprimant par la même occasion une source de revenus à notre ami vidangeur.

Ainsi donc, face à une crise économique qu‘il n‘avait pas "senti" venir et qu‘il ne pouvait maîtriser, le « pauvre » vidangeur fut obligé de s’adjoindre des activités annexes, voire de   changer carrément de métier : c’est ainsi qu’il investit dans d’autres types de camions pour devenir déménageur, transporteur, livreur de fuel... 

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