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Photo / VTT / Billets d'humeur /  Géocaching / Modélisme / Années 50

chroniques des annees 50

La bosse des maths

5 Octobre 2012 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

Alors que je me prépare à retourner au Lycée de Château-Gontier... celui où j'ai passé 7 ans de ma vie scolaire... me reviennent d'innombrables souvenirs de ce  temps déjà lointain...
Des figures de profs qui laissent des souvenirs parfois "joyeux", tels celui que je me propose de vous narrer.
 
Prof de maths de son état, madame Cruiziat était la femme du principal.
Elle se prénommait Juliette...1961-62a-annotee-copie-1.JPG
Juliette, qui  avait trouvé en Joseph Charpentier, mon copain de chambrée,  un compagnon afin de "jouer" aux maths après les cours!
Issu d'une famille modeste, il dut abandonner ses études et entra dans la vie active après la troisième.
Mais il survolait le lot des élèves, et nous épatait par son talent.
Il avait réellement "la bosse des maths".
Juliette l'avait vite compris.
C'est pourquoi, durant les études du soir destinées aux internes, il y avait même un nombre de sonneries spécifique indiquant que "Monsieur Zef" était mandé dans les appartement de madame la principale.
 
Ce fameux Zef qui un jour lui tint tête.
C'était lors d'une compo, à propos d'un énoncé de maths .
Et "Monsieur Zef" de l'apostropher devant la classe ébahie.
Poliment, et avec conviction:
"Madame, votre équation est insoluble! S'il y avait un "plus"  à la place d'un "moins" (ou inversement, je ne sais plus) on pourrait aller au bout du problème!"
Comment lui, l'élève de troisième,  son compagnon de jeu,  pouvait-il ainsi mettre en doute la toute-puissance professorale?
Je revois encore Juliette se dresser sur ses ergots:
"Impertinent, isolent! Comment oses-tu?"
 
Et Monsieur Zef de répondre placidement:
"Bon, ben... je vous rends copie  blanche."
Et lui de déposer négligemment sa feuille sur le bureau pour quitter la classe  et filer en   salle de permanence!
 
Nous autres, bien sûr, complètement stupéfaits!
Zef, le fort en maths, l'indéboulonnable premier de la classe,  il allait se taper un zéro en compo! 
Du jamais vu!!!
 
Il s'avère que Monsieur Zef avait pourtant  raison.
 
Et Juliette annula donc cette première session, pour nous proposer la deuxième mi-temps de la compo! (Ce dont elle était coutumière!).
On remit tous les compteurs à zéro, nous eûmes droit à une seconde équation qu'il nous fallut résoudre.
 
Et devinez qui se tapa 20 sur 20?
 
Ben "Monsieur Zef", évidemment.
 
 
 
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A propos de mon livre...

24 Mai 2012 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

Ma jeune soeur ne m'avait-elle pas adressé un courriel qui débutait ainsi:

"A propos de ton livre...

Dis quand l'écriras-tu?

Dis, quand le feras-tu?

Car le temps qui passe ne se rattrape guère...

Le temps qui passe ne se rattrape pas!"

 

Ce qui avait constitué un  facteur déclenchant!

Il n'y avait plus à reculer: il fallait  que je  me mette -enfin- sérieusement au travail.

 

Cela fait donc quelques semaines que mon opuscule est édité.

Que  le nombre de personnes l'ayant acheté me surprend...

  DSCN3662

Et qu'au niveau des surprises...

 

Lisez plutôt:

 

 

Hier  matin, rentrant de ma balade à pied vers le Montaigu, je croise deux personnes... L’une à la sortie de la boulangerie, l’autre un peu plus loin, près du mur où croissent les roses trémières que j’ai semées là clandestinement !

Et qui prospèrent !

L’une et l’autre de mes rencontres :

« On pourrait pas avoir un bouquin sur vos souvenirs de gamin ? »

Cet après-midi, je m'en vais chez la coiffeuse.

Et sur le trottoir une dame, ancienne parente d'élève, qui m'arrête:

"Ah, Bernard, j'ai commencé votre livre. J'arrive au chapitre le camion. C'est rudement bien. C'est facile à lire. Je me régale!"

 

 A signaler que d'habitude la dame s'adresse à moi en y allant d'un "Monsieur Munoz"... Etonnant, non? Comment expliquer cette soudaine familiarité? Qui ne me gêne pas, bien au contraire!



 

Quelques pas encore, et je passe devant un commerce. Les jeunes patrons sont sur le pas de la porte.

M'apercevant, il m'interpellent!

Je fais un crochet:

"Alors, et votre bouquin? C'est la gloire, hein! Tout le monde à Bais en parle!

On peut en avoir un?

-         Ben quand j'aurai refait mon stock, début de semaine prochaine. Je n’arrive pas à fournir…"



 

Arrive une jeune dame, la trentaine. Qui nous entend causer du fameux livre.

S'adressant aux commerçants:

"Ah! moi, ma belle-mère l'a apporté l'autre soir à la maison.

J'ai juste eu le temps d'en lire un chapitre, parce qu'elle me l'a vite repris des mains, en me disant qu'elle le dévorait.

Si les autres valent le seul chapitre que j'ai lu: les cabinets! 

Ben ça promet!!!

Ah, c'est trop!!!"

 

Fin de journée, afin de renouveler mon ordonnance, j'avais rendez-vous chez le toubib, qui m'avait dit au téléphone:

"Ben faudra m'apporter un bouquin, n'est-ce pas? Avec une dédicace!"

 

Forcément, je me suis exécuté.

A (nom du toubib)…

Guérisseur de mes maux

Ce qui me permet ainsi d’écrire encore mes mots risibles…

Afin que je m’en souvienne comme mes mots "risables"…
(mes mots "risables"…  mémorisables?) 

PS : cette dédicace n’est pas remboursée par la Sécu !

 

Et enfin, dans la soirée.

 

Cet appel téléphonique :

« Je viens de lire votre bouquin. Je me suis régalée. J’y ai retrouvé plein de souvenirs personnels : les métiers, les jeux,  les odeurs, les couleurs, les bruits… Merci à vous.

Mais dois-je-vous dire que vous m’avez donné envie ?

Envie de vous imiter, et de me lancer moi aussi à écrire.

Pour que les générations à venir sachent comment nous vivions… »

 

Et mon interlocutrice de commencer à rédiger oralement son récit…

 

Poursuivant : 

« Si j’ai besoin, pourrais-je m’adresser à vous pour me donner un petit coup de main ? »

  

J’ai hésité à vous faire part de ces quelques témoignages.

Mais je me dis quand même que je vous devais un retour sur ce fameux bouquin  destiné à une diffusion restreinte, et que l’on m’a « poussé » à publier... bien au-delà du cercle familial!

 Il  mériterait maintenant presque à lui seul un roman entier !

  DSCN3721.JPG

 

  

Je me dois aussi de préciser que si j’ai réussi à faire lire des gens qui ne sont pas de « grands » lecteurs, et faire écrire des personnes qui n’auraient pas osé… 

Ben… J’ai obtenu là une  des immenses satisfactions qui font suite à cette modeste publication.

 

Et je ne parle même pas des jolis moments passés chez les gens lorsque je vais effectuer moi-même la livraison de mon opuscule.

 

Conséquences inattendues, mais ô combien réjouissantes !

 

Merci à tous !

      ---------------------------

 

PS: cette autre remarque obtenue quelque temps après..............

"Ton livre est, comment dirais-je... parce que tu utilises parfois un vocabulaire choisi, faut pas que je dise une banalité... ton livre est ... gouleyant!!! c'est ça... gouleyant!

C'est pour ça que je le prends à petites doses, je voudrais pas le finir trop vite!"
Sachant que cet adjectif est plutôt utilisé  à propos d'un vin...
 Qu'importe le flacon...

PS2...
Toujours à propos de ce bouquin qui n'en finit pas de m'étonner, deux réactions:
- hier, je m'en vais livrer un bouquin, et  au cours de la conversation, on  me dit:
"Ah, tu peux pas savoir l'émotion... c'est la première fois que je peux rencontrer l'auteur d'un livre que je vais lire, un auteur encore vivant!"
- ce soir, je m'en vais livrer un autre bouquin. Arrive la fillette de la maison à laquelle la mère explique,: "C'est Bernard, il vient nous apporter un livre, un livre qu'il a écrit."
Et la gamine de me regarder avec un drôle d'air, et de me dire:
"Alors toi, t'es écrivain? Ouah!!!"
Bonnard, non?

PS3: pour faire suite au commentaire qui a été posté  par un lecteur de ce blog. Comment se procurer ce petit livre, pour lequel on me réclame de récidiver!

Ici: (Copier et coller le lien dans le navigateur)
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Chroniques des années 50 en Mayenne

11 Avril 2012 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 
bernard_arroseur.jpg

Cela faisait déjà un bon moment que l'idée me trottait dans la tête... pas encore dans celle du gamin que j'étais... tenant le jet d'eau!

Mais sait-on jamais?



 Quoi qu'il en soit...


Dans la mesure où j'ai reçu un certain nombre "d'encouragements" à publier mes mémoires, ben... c'est fait!DSCN3662.JPG
 
 Si vous souhaitez vous procurer "Chroniques des années 50", un livre 18x12 de 224 pages avec illustrations, (12 Euros+ port)   yaka cliquer là! 


http://www.thebookedition.com/chroniques-des-annees-50-en-mayenne-de-bernard-munoz-p-78115.html
 
Bonne lecture

 

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Vous avez dit "Mémoires?"

8 Avril 2012 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

Cela fait déjà un certain temps que je reçois (oralement ou par écrit) des remarques du style:
"Je suis allé faire un tour sur votre blog...."
Se terminant la plupart du temps par cette invite:
"Vous devriez écrire vos mémoires"
.../...
N'êtes-vous pas de celles ou de ceux qui inciteraient à  (re)mettre au boulot le paisible retraité que je suis?

Celui qui frémit lorsqu'il entend prononcer le mot "travail"?


Mais j'avoue qu'à chaque fois qu'on me sollicite,  j'en suis tout d'abord  ravi  (ben, faut pas bouder son plaisir, et c'est un petit bonheur personnel de constater  qu'on  apprécie mes textes. On a le droit d'être immodeste!)...
Et  immédiatement j'entrevois le parcours du combattant afin d'arriver à ce qu'un éditeur accepte de publier.
Non, là, je ne me sens ni prêt, ni mûr, ni motivé.

Par contre, oserais-je vous avouer que j'ai déjà sous le coude.... un bidule que je nomme pompeusement: "Chronique(s) des années 50..."

C'est qu'en effet, au printemps 2005, j'ai éprouvé de sérieux ennuis avec ma vue... Et j'ai pris peur, craignant de ne pouvoir mettre sur du papier  tout ce qui trottait dans ma tête, particulièrement  mes souvenirs de gamin autour des années 50.

Je me suis donc acheté un ordinateur portable, et j'ai rédigé, rédigé, rédigé...  Partout où je me trouvais, tel un forcené.
Heureusement, on devait découvrir un peu plus tard que pour mes yeux, il s'agissait d'une banale cataracte.

Mais la plupart de mes textes étaient déjà enfournés dans le PC.Certificat-d--tudes-avec-l-gende-copie-1.jpg

C'est aussi en hommage à ma mère que je me suis lancé dans ce travail d'écriture.
Elle qui s'est arrêtée au Certificat d'Etudes avec mention Bien (voir ci-dessus), qui calligraphiait à merveille, qui rédigeait de façon impeccable... et qui avait laissé un peu partout des petits bouts de papier que l'on a retrouvés après son décès.

Avec des anecdotes parfois croustillantes! (voir document manuscit ci-dessous)
Je-vous-salue-mon-capitaine.jpg

Avait-elle eu honte de les montrer?

Sans doute, car  elle était plutôt d'un tempérament "taiseux".

 

Il s'avère pourtant que je me pose toujours la question.

Quelles sont les fonctions vitales d'un être humain? De quoi a-t-il nécessairement besoin pour vivre?

On pense immédiatement à l'air pour respirer, la nourriture, un toit pour s'abriter... et même s'il ne fait pas le bonheur, un peu d'argent afin de boucler les fins de mois.

Mais qu'est-ce qui peut bien pousser un individu à raconter, se mettre en scène, dévoiler une partie de son intimité?

Vous me direz qu'un comédien, un politique, un écrivain, un peintre, un sculpteur... tous ces gens éprouvent le  besoin de créer, et de "partager"... avec sans doute le même sentiment qu'un gamin de maternelle s'adressant à son institutrice:" Regarde, maîtresse, il est joli mon dessin, hein?"

Attendant un assentiment, un mot gentil, une quelconque forme de tendresse...

 


Pour ma part, j'ai eu besoin de rédiger, d'écrire, de créer (y compris des modèles réduits) et j'ai osé "diffuser" mes productions...  Faut-il s'en plaindre?

C'est aussi grâce à mon cousin Pascal que  j'ai entrepris le blog sur lequel vous êtes actuellement!

Poursuivant ainsi via Internet  mon "travail" de rédaction entamé avec  la revue MRA (le Modèle Réduit d'Avion)
Faut-il ajouter que mes "rédactions"  permettent  également  de  maintenir du lien social?...

Bref...

Quelques années plus tard,  Ouest France a sorti un "Hors série",  édition spéciale sur les années 50 justement. Certains de mes documents y figurent. (Avec en couverture la 4CV de mon oncle Gaby)DSCN3556.JPG
Et je me souviens avec malice de la journaliste chargée de cet opuscule, qui me disait déjà:

"Rien qu'avec ce que vous avez sous le coude, il y aurait de quoi faire un bouquin complet!"

Peu de temps après, c'est la revue "L'oribus" qui m'a contacté pour que je refile des textes. C'est ainsi que sont parus "Les jeux", et "la rue du Bignon"... peut-être aussi "Les roulements à billes..."
Avec des retours de lecteurs sympathiques!

Mes textes, j'y reviens de temps à autre, lorsque... voir début de mon propos!


Et à propos des années 50,  je me dis qu'un jour, je finirai bien par me botter le derrière et faire en sorte que tout ça devienne un vrai livre, broché, relié..

Il y a des sites sur le Net afin de concrétiser.  

 

Mais pour l'heure, si vous me le demandez, je peux vous adresser un fichier au format Acrobat Reader (moins lourd   que le format doc généré par Word).

Et si l'envie vous prend de tirer mes textes sur papier, vous pourrez constater que cela représente déjà un "petit roman"!

Osez m'adresser  vos commentaires.

 

Vous souhaitant bonne lecture de ce que d'aucun(e)s nomment "Mes mémoires"!

 

bernardino53  chez hotmail.fr  (remplacez chez par @, sans aucun espace...)

 

 

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La fête au village

15 Mars 2008 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 A Chérancé, tout  comme dans bien d’autres communes de France  et du sud Mayenne, se tenait chaque année la traditionnelle Assemblée, la fameuse « assembieu »…
Pour nous autres gamins qui avions parfois du mal à nous repérer dans le temps, il y avait un signe avant-coureur. Telles les hirondelles qui annonçaient le printemps, le camion du père Gaucher était guetté avec une impatience que nous avions du mal à contenir.
Et le jour où nous l’entendions arriver, c’était la joie immense de se dire : on va faire la fête.
Il arrivait en milieu de semaine, avant même que les membres du Comité des fêtes ne commencent à pavoiser le bourg avec des guirlandes.
Fameux camion ! Il sortait tout droit de la guerre ! Mais pas de la seconde ! Non, non, la « Grande Guerre », celle de 14-18 !!!
Je ne saurais dire quelle était la marque de ce véhicule brinquebalant, mais il roulait en faisant un bruit épouvantable. Les jantes me semblaient être en bois… sur des bandages en caoutchouc plein !
Un détail m’est resté gravé : les « clignotants » !!!
A une certaine époque, les conducteurs signalaient leurs changements de direction comme les cyclistes, avec leur bras, en le mettant à la portière. Et puis on avait vu fleurir des systèmes avec des « bras mécaniques éclairés et articulés » qui par un mouvement de haut en bas attiraient l’attention du conducteur se trouvant derrière…
Et le père Gaucher avait été séduit par ce système digne du modernisme ambiant, qu’il avait fini par adapter à sa sauce.
Il avait installé sur chaque côté de son camion un simple morceau de bois peint en rouge, et lorsque le père Gaucher souhaitait virer, il lui suffisait d’agiter l’extrémité d’une des ficelles se trouvant juste devant son volant pour faire fonctionner son bras articulé. 
parquet-du-bal.jpgNous admirions l’ingéniosité du bonhomme !
 
Commençait dès lors la construction des différents stands.
Un peu plus tard arrivait l’entrepreneur de bals, qui déchargeait son parquet sur la placette. Puis avec l’aide de ses compagnons-musiciens, il assemblait tout son puzzle sous l’œil intéressé des marmots du village… Et dès que la salle de bal était montée, nous partions à sa conquête. Il faut dire que cela nous permettait de jouer bien à l’abri, dans cette « immense » salle provisoire   recouverte d’une bâche ; quant au parquet merveilleusement patiné par les couples de danseurs, il se comportait nettement   mieux qu’une mare gelée pour y effectuer de longues glissades. Bien sûr, il fallait jouer dans ce bal sans se faire prendre par l’entrepreneur, qui nous houspillait parfois. Mais dès qu’il était reparti chez lui…
La petite allée longeant l’église était l’objet de nombreux préparatifs.
C’est d’ailleurs à cet endroit, à la porte de l’église, que nous avions l’habitude de nous regrouper les jours de « sacre ». En effet, c’est à la sortie que les « noceux » ou les « baptêmeux » nous lançaient à la volée des pièces de 1 Franc et des dragées, pour lesquelles nous nous battions comme des chiffonniers. Les friandises n’étaient pas enveloppées, elles roulaient dans la poussière, mais nous les dégustions avec délices…
Pour la fête du village, de chaque côté de l’allée, le garde champêtre installait des poteaux dont l’utilisation nous apparaîtrait plus clairement le dimanche suivant.
La fête communale, c’était l’occasion de relever des défis, de montrer sa force ou sa sagacité…
Les plus grands pouvaient le faire lors de la course cycliste « interrégionale ».
Mais pour les gamins que nous étions, il y avait les jeux traditionnels !
Pour la course à l’œuf, chaque participant  insérait   dans la bouche une cuillère à soupe contenant un œuf ; puis après le top départ, il fallait franchir la ligne d’arrivée le premier en n’ayant pas fait d’omelette… et pas question de tenir la cuillère avec les mains au risque d’être disqualifié par le garde champêtre à la vigilance pourtant bienveillante !
La course en sacs   voyait s’affronter des enfants dont les deux jambes se trouvaient enfermées dans un sac de jute… inutile de courir ; il fallait absolument sauter… en évitant de se casser la figure… mais le bon public se régalait lorsque les coureurs s’entrechoquaient et tombaient comme des quilles !
Le mât de Cocagne permettait aux plus agiles de grimper le long d’un poteau afin d’aller arracher un objet enveloppé dans un papier journal …
 
On avait droit aussi aux « pots cassés » : yeux bandés et muni d’une perche, il fallait éclater un pot de terre suspendu   à une ficelle tendue entre deux poteaux. Inutile de dire qu’on « brassait un peu d’air » avant d’atteindre la cible…. Et on avait même parfois droit à une douche, car certains pots contenaient de l’eau, de la farine, de la sciure ; mais tous finissaient par lâcher une récompense.
 
course-aux-grenouilles.jpgLa course aux grenouilles avait ses fervents partisans. Chaque concurrent devait pousser une brouette dans laquelle on mettait juste avant le départ quelques grenouilles qu’il fallait bien évidemment avoir encore comme passagères à l’arrivée. Et pour ce faire, on piquait parfois à même le sol les sauteuses d’un concurrent malheureux !
 
Parmi tous ces divertissements   hauts en couleur figurait : le « baptême des tropiques »… peut-être hérité de la période coloniale encore toute fraîche dans les mémoires ?
Un concurrent prenait place dans la charrette à bras du garde champêtre, un adulte poussait vigoureusement l’attelage en courant. Et tel un chevalier du Moyen-âge se livrant aux joutes, le passager muni d’une lance devait viser un petit trou ménagé dans une planche suspendue en travers de l’allée… mais si on ratait son coup, un ingénieux système se chargeait de vidanger l’eau contenue dans un seau…
Chaque jeu donnait droit à des récompenses : deux ou trois pièces, des friandises…
 
Avec ces quelques sous gagnés aux jeux, nous allions faire marcher le commerce : trouer des cartons au stand de tir tenu par la mère Gaucher, loterie, achat de cacahuètes grillées…
Les nombreux cafés qui entouraient la place faisaient eux aussi un commerce florissant, et certains fêtards avaient parfois un peu trop abusé de la boisson. Ce qui nous donnait la possibilité d’assister à des spectacles souvent comiques d’hommes un peu éméchés… mais il arrivait que les types soient tellement ivres qu’ils cherchaient la bagarre, ou s’effondraient lamentablement sur l’herbe de la petite place… 
Pendant ce temps, le bal battait son plein.   Sur l’estrade un orchestre local, avec accordéon, batterie, saxo, banjo… La salle était surchauffée, et on devait relever les bâches latérales afin de donner un peu d’air aux danseurs dont le visage rouge de plaisir   se penchait goulûment vers l’extérieur. Nous tentions parfois de pénétrer dans le bal, en nous glissant parmi la forêt de jambes des couples qui virevoltaient… mais on se faisait rapidement sortir.
 
Et puis tard dans la nuit, le bal musette mettait fin à ses flonflons.
Le lendemain avant même que la classe ne reprenne, nous rôdions autour du bal ; les plus téméraires se glissaient sous le parquet… à la recherche de quelques pièces qui auraient pu échapper aux danseurs, perdues au travers des lattes pas toujours jointives… Et nous y retournions le soir… Il faut dire que la « cueillette » se révélait parfois fructueuse.
Autre source de revenus : la pêche aux « bocks ». Il suffisait de ramasser dans le bourg les nombreuses cannettes de bières que les soiffards avaient abandonnées ici et là ; chaque cafetier offrait un « petit sou » en fonction du nombre de bouteilles qu’on lui rapportait
 
Et puis l’entrepreneur de bal démontait son « parquet » ; le père Gaucher démontait ses baraques, les rangeait sur son camion.
Puis quand il partait, nous l’escortions joyeusement… Lui donnant rendez-vous à l’année prochaine.
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L'autorité

6 Février 2008 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

L’autorité
 (texte rédigé le 18/11/2005)
 
Qui a dit que l’Autorité   n’était pas de ce Monde ?
Surtout pas moi !
Même si parfois j’eus à en subir certains dérapages… Mais voyons plutôt.
 
Il est un personnage qui incarnait pour moi l’Autorité suprême, incontestée et incontestable. Il se nommait José-Bernardino Duarté. C’était mon grand-père maternel.
D’un simple regard, il savait se faire comprendre. Je ne l’ai que très rarement entendu lever la voix.
Mais quand il prenait la parole, tout naturellement, chacun écoutait le Sage, celui que ses collègues carriers de la Mayenne avaient d’ailleurs surnommé… le Philosophe !
Autre incarnation de l’Autorité : mon père.
A qui une fois je voulus faire partager mon ressentiment sur la justice, ou plutôt l’injustice !
Un jour de classe, j’avais été témoin    d’un épisode au cours duquel le Maître m’avait semblé injuste : il avait puni un élève qui, à mes yeux, ne le méritait pas.
En fin de journée, le cœur gros, j’abordais mon père avec ces mots : « Dis, P’pa, l’maît’ d’école il… » 
Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que je me pris « un aller et retour » appuyé par cette sentence paternelle : « L’maît’ d’école, il a eu raison ! »
Je venais de me prendre deux « claques » la même journée ! Je me rengorgeai et me mis à maudire cette trop forte connivence qui existait entre mon instit et mes parents.
Un demi-siècle plus tard, cet épisode a de quoi faire sourire…
 
Puisque nous en sommes à parler « Education »… Mon père fit aussi acte d’autorité lorsqu’il m’inscrivit au Lycée de Château Gontier.
Je me revois assis dans le bureau enfumé du principal. Ce dernier examina mon carnet de notes, et il proposa : « Ce petit, mais il a de bons résultats, je vous conseille donc de l’inscrire en Classique »
Il y avait à cette époque deux filières dès la sixième : les classiques réputés littéraires, et les modernes dont on disait qu’ils étaient davantage matheux.
Ce choix que je jugeai arbitraire me valut de tâter du latin, et de pouvoir me plonger -avec délices ?- dans les innombrables pages de l’épais dictionnaire Gafiot. Moi qui n’ai jamais eu le tempérament d’un coureur de fonds, je me sentis quotidiennement pénalisé par un travail bien supérieur à celui de mes camarades « modernes ».
Mais, assis à côté de mon père dans le bureau du « patron » lors de mon inscription, je n’avais pas encore fini d’être surpris.
Car mon chef de famille asséna ce suprême plaidoyer : « On sort de la Guerre ! C’est d’accord ! Les Boches m’ont bousillé deux fois mon char d’assaut… Mais c’est pas parce qu’on s’est tapé dessus qu’il faut continuer à se haïr. Mon fils fera… allemand première langue ! »
Ah bon ? Moi, qui avais eu la chance de baragouiner l’espagnol en compagnie de mes aïeux, j’aurais largement préféré prospérer dans la langue de Cervantes. Mais il n’y avait pas de prof d’espagnol au Lycée de Chiot !!! On décida pour moi que je m’instruirai avec la langue de Goethe.
 
Dans le domaine de l’autorité non-familiale, il y avait bien évidemment les gendarmes, dont on voyait la paire de bicyclettes passer périodiquement dans le bourg de Chérancé. Et qui s’arrêtaient au café Poché afin de se désaltérer, mais aussi prendre des nouvelles de la population, recueillir quelques infos… Les RG en quelque sorte…
 
Autre autorité un peu plus folklorique en la personne du garde champêtre de Villaines…
Je le revois descendre la rue du Bignon sur son vélo, s’arrêter toujours au même endroit et apostropher les gamins en ces termes :
« Où qu’y sont les meuchants ? »
C’était pour lui une sorte de jeu, relayé par nos parents qui utilisaient le bonhomme à la manière du Croquemitaine.
Le garde-champêtre saisissait son tambour avec lequel il ameutait la population, puis il déployait un papier avec un geste très cérémonieux, et quand il avait jugé que son auditoire était à ses ordres, il procédait à la lecture :
« Avisseeee à la population ! »
Il annonçait les coupures d’eau ou d’électricité, le passage de la benne à ordures, le ramassage des ferrailles … Je crois me rappeler qu’il était aussi chargé des obsèques… avant que chaque famille ne soit informée par un petit   papier nécrologique que tirait l’imprimerie Panaget.
Notre brave garde-champêtre ponctuait toujours la lecture des arrêtés municipaux avec cette phrase devenue rituelle :
« Pour le Mairrrre, l’adjoint… milmarrrrtino »
S’il était spécialiste du roulement de tambour, il l’était également   dans le roulement des « R ».
 
Cette   conclusion me demeura un moment fort énigmatique. Il me fallut un certain temps pour décoder, et je finis par apprendre que le maire de Villaines, c’était Robert Buron*, que ses « affaires » le retenaient à la capitale, et que son premier adjoint était chargé de le suppléer, premier adjoint qui se nommait en réalité Emile Martineau.
 
Son annonce terminée, notre représentant de l’Autorité municipale sanglait le tambour sur son vélo, apostrophait quelques gamins en les sommant de ne pas être « meuchants » jusqu’à son prochain passage, et allait répéter son annonce quelques rues plus loin.
 
Joli temps où la « communication » se faisait de vive voix .
Et où l’Autorité semblait incontestée !
 
 
 
 
*Maire de Villaines la Juhel entre  1953 et 1970
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Le lion

9 Novembre 2007 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 

 

Lorsque j'étais écolier, le Maître régnait sur un empire dont les bornes atteignaient tout juste l'enceinte de l'école… et un peu au-delà ! Ses jugements étaient indiscutables, tout comme devait l’être son savoir, car il ne semblait jamais consulter la bible qu'était l'unique dictionnaire Petit Larousse de cette classe.  La sévérité du Maître se devait d’être  à la hauteur de sa noble tâche; et lorsque nous avions fait quelque bêtise, il était inutile d'aller nous plaindre auprès de nos parents.

 Pourtant, je me plaisais à imaginer qu'un autre personnage lui disputait son autorité.  Ce personnage, ne l'avait-on pas enfermé dans une cage grillagée?  De plus, il trônait bien en évidence au milieu de la pièce, son corps de fonte était prolongé par une queue qui montait vers le plafond, puis bifurquait à angle droit avant de disparaître dans le mur.  Il reposait sur quatre pieds dont la forme rappelait les pattes d'un lion, Roi de l’Afrique ! Il était plutôt silencieux, et n’intervenait jamais au  cours des leçons.  Pourtant. il lui arrivait de ronronner bruyamment, lorsqu'on l'avait trop bien nourri.  En effet, il faisait l'objet d'un culte assidu, dont les "vieux" de quatorze ans étaient les grands prêtres.  Ces élèves, qui devaient passer le Certificat d'Etudes, lui préparaient ses repas quotidiens.  Pour le petit déjeuner, il s'ouvrait l'appétit avec du papier froissé, du fagot, et enfin du bois coupé menu à la hachette par les grands, ceux du Certif. Ce cérémonial se déroulait dans le bûcher ; et à l'évocation du mot « bûcher » surgissait l'image de Jeanne d'Arc brûlée vive par la faute de l’infâme évêque Cauchon.  En plat de résistance, mon fauve ingurgitait quelques seaux de charbon. On m'avait bien expliqué que des mineurs descendaient au fond de la terre pour extraire ce combustible.  Mais comment la Nature avait-­elle pu fabriquer de tels boulets, bien lisses, tous identiques, parfois ornés de deux au trois équateurs en leur milieu?

 Toujours est-il que mon fauve avalait sans sourciller ses différentes rations.  Mais lorsqu'on l'avait un peu trop gavé, il se mettait à ronfler: il en rougissait de plaisir, et rayonnait de bonheur.  C'est alors qu'avait lieu le miracle.  Son corps devenait translucide, et l'on pouvait distinguer tout ce que contenaient ses intestins.  C'était comme quand le Maître, profitant du malheur des autres, saisissait l'opportunité d'un bras cassé pour récupérer les radiographies de la victime : nous pouvions  ainsi  "voir" l'humérus, le radius et le cubitus.  Comme j'aimais ces leçons de sciences!

 Mon fauve, c'était vraiment le Roi; en classe, il marquait son territoire à l'odeur; parfois à l'aide d'une fumée épaisse et irrespirable; parfois il lâchait jusque sur le parquet quelque braise incandescente; c'est peut-être pourquoi, nous autres, les « petits », nous ne pouvions pas l'approcher; nous devions, comme au zoo, rester derrière les grilles.

Inévitablement, je me prenais à rêver que le royaume de mon fauve figurait sur les cartes de géographie "Vidal-Lablache" qui ornaient les murs de la classe.  Ses territoires, dont l'A.O.F. et l'A.E.F., m'apparaissaient en vert sale et marron délavé qui symbolisaient            mal à mes yeux sa Toute-puissance sur le continent africain.

 C'est grâce à Tintin, le célèbre compagnon du capitaine Haddock, que j'avais appris à connaître l'Afrique ainsi que  l'existence du Congo… ( et aussi certains jolis jurons tels que Australopithèques, bachibouzouks, ou mille millions de mille sabords!) Mais cela, bien évidemment, à l'insu du Maître; car à cette époque, les albums n'étaient pas en odeur de sainteté dans les écoles ( on ne disait pas encore B.D.); nous faisions donc circuler discrètement "le sceptre d'Ottokar" ou "les 7 boules de cristal", sachant que nous prenions des risques délicieux... En matière de littérature, Victor Hugo était le Maître incontesté, mais son poème "Océano nox" demeurait bien mystérieux pour le jeune enfant que j'étais.  J'y préférais le bon La Fontaine, ou les aventures de l'enfant d'éléphant, au bord du fleuve Limpopo.

 Au printemps, avec le retour des hirondelles, mon fauve disparaissait de la classe.  Tout comme les cloches partaient pour Rome à Pâques, je m'imaginais qu'il retournait en Afrique afin d'inspecter son royaume, et faire des réserves de chaleur qu'il nous distribuerait à son retour.  Effectuait-il un voyage inverse à celui des oiseaux migrateurs?  Hibernait-il, prenant la place des ours  ou des marmottes ?  Je  n'ai jamais bien su...

 Ce fauve n'était qu'un banal ...  poêle à charbon!

Mais il avait pris dans mon imaginaire une place de choix.

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Les chaussures

28 Octobre 2007 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

Lorsque j’ai eu environ cinq ans, je suis tombé malade, et après avoir consulté plusieurs médecins, mon père décida de m’envoyer me refaire une santé chez sa sœur Clémence(1). Elle habitait Mèze, dans l’Hérault pays natal de mes parents, « là où le climat et les produits locaux fabriquent des centenaires» (2) disait mon père en rigolant. Clémence vivait au bord de l’étang de Thau dans cette petite ville qui a rapidement prospéré en raison du développement des huîtres et des moules   «cultivées » dans l’étang salé.
Son mari, Edmond, était de souche provençale… il avait hérité de ses parents une petite vigne qu’il allait exploiter fort tôt le matin, au  mas de «Min Trou » (la fermette de « mon trou» ); il s’y rendait en vélo. Mais il exerçait la profession de cordonnier.
Ils avaient eu un fils prénommé André, mort prématurément à l’âge de … 5 ans.
Je suis arrivé dans cette famille un peu comme le nouvel enfant du couple. J’y ai été choyé…
En dehors du travail des pêcheurs et des vignerons, ce séjour d’environ un an m’a permis d’observer pendant de longues heures mon oncle dans son petit atelier.
C’étaient surtout des dames qui venaient. Mon oncle observait les chaussures, évaluait les travaux à effectuer, et si la dame était d’accord, il fixait une date pour la restitution et il terminait l’entrevue en inscrivant à la craie, sous la semelle, le nom du propriétaire. Il est bien évident que je n’avais pas vu tous les client(e)s de mon oncle; mais je me livrais à un jeu passionnant: rien qu’en observant les chaussures alignées sur les étagères, je tentais d’imaginer le personnage qui pouvait glisser ses pieds dedans. Et le choix était vaste: il y avait les fins escarpins, les talons hauts, les espadrilles, les chaussures à lanières, les somptueux souliers de cérémonie, les petits petons des gamins, les bottines, les gros godillots des vignerons…
Curieusement, lorsque les dames revenaient récupérer leur bien, leur style correspondait assez souvent à l’image que j’avais pu m’en faire. Mais le portrait des rares hommes qui entraient dans la boutique collait lui aussi assez bien à mon portrait imaginaire!
Quelques années plus tard, j’ai aussi passé de longues heures chez un autre cordonnier; c’était à Villaines la Juhel, là où je séjournais souvent aux vacances scolaires.
Prosper ressemelait les chaussures. Il me disait qu’il était originaire d’Izé. Moi, je ne connaissais pas! « Mais, me disait-il, c’est facile, tu sors de Villaines, tu prends la route de Trans, là où il y a le canon sur la place du monument aux morts, et devant l’église tu tournes en direction d’Izé! » Ouais… Je connaissais Mèze, à 800 km de là, mais je ne connaissais pas la proche géographie de la Mayenne!
Chez Prosper, je me livrais aux mêmes jeux que chez mon oncle. Mais Prosper s’avérait nettement plus bavard qu’Edmond: il commentait   son travail, me donnait le nom des outils, m’expliquait leur maniement, justifiait l’emploi des différents matériaux utilisés pour remettre en état les souliers de « ses dames »!
Dans cet univers fait exclusivement de godasses, on aurait pu s’attendre à une ambiance « odeur de pieds »… Et bien non, les deux échoppes que j’ai pu fréquenter embaumaient le cuir, le caoutchouc, et la furieuse colle néoprène. Celle qui a la particularité d’être collable alors qu’elle semble sèche! Et pour laquelle il faut taper à grands coups de marteau sur la semelle afin de solidariser les pièces à assembler.
Cela sentait nettement plus fort juste en face, chez l’horloger Jean Schneyder, lorsqu’il fallait nettoyer les horloges comtoises à l’ammoniaque.
Mais le gros souci de mes deux artisans, c’étaient les séduisants talons aiguilles. Ce n’était pas une sinécure que de percer un trou bien droit dans ces fichus talons à la tige fort étroite, et ensuite trouver la cheville métallique qui conviendrait…
Chez Prosper, j’ai souvent refait le Monde... Surtout quand je suis devenu adolescent. La cordonnerie, c’était le salon où l’on cause: on abordait tous les sujets… comme chez le coiffeur!
J’ai eu l’occasion  de rencontrer un autre cordonnier… lorsque j’ai été   pensionnaire au Lycée. Le jeudi jour de congé, nous pouvions bénéficier d’une longue récré de 10 à 11. Et nous en profitions pour massacrer gaillardement nos baskets lors de parties de foot acharnées. Quand nos godasses demandaient une remise en état, nous demandions à la concierge du « Bahut» la permission d‘aller voir « Ouin-ouin », le cordonnier qui habitait juste en face de sa loge. Le pauvre homme possédait un affreux bec de lièvre qui handicapait son élocution, et nous ne comprenions pas toujours ce qu’il disait; lorsqu’il nous indiquait le prix à payer, il finissait par l’écrire nerveusement à la craie sur la semelle, puis ajoutait: « H’as homp’is? » (Tu as compris?) Il se raclait la gorge et dans la foulée envoyait un violent crachat sur la semelle qu’il essuyait prestement avec le revers de la main. Si on avait les sous, on payait, sinon, nos parents s’en chargeraient lorsqu’ils viendraient nous chercher.
Pour faire durer leurs baskets, mes copains les frères Levasseur avaient mis au point une technique épatante: l’un était droitier, l’autre était gaucher. Chacun sait qu’au foot la chaussure qui s’use le plus rapidement est celle dont on se sert le plus souvent. Et lorsque leur « pied favori » était usé presque au point   de jeter leurs baskets, ils les échangeaient afin de prolonger l'usage de leurs godasses! Ce devait être aux alentours de la classe de 4 ème ou 5ème...
 
Un jeudi matin, jour de marché à Château Gontier, je vois avec surprise arriver mes parents.
Qui, constatant l’état de mes godasses, se proposent de demander un billet de sortie au surveillant général afin de me chausser avec des souliers convenables. Chez le marchand, j’eus toutes les peines du monde à tenter d’expliquer que je souhaitais avant tout des chaussures « utilitaires », comprenez par là, des chaussures permettant de shooter lors des récrés.
Peine perdue, on était à l’entrée des grands froids: je me retrouvai avec des chaussures après-skis fourrées, fermeture à glissière, épaisse semelle… Et mon père d’ajouter: « Vu que tu grandis du pied en ce moment, on a bien fait de te les prendre un peu plus grandes; avec une semelle dedans, elles te dureront plus longtemps! »
(détails qui ont leur importance, vous verrez pourquoi dans peu de temps)
 
Intérieurement, je pestais, mais…
On me ramena vers ma pension, et comme la grande récré n’était pas encore finie, les copains m’incorporèrent   dans une des équipes afin de terminer la partie.
C’est alors que voulant effectuer une reprise de volée à la façon du grand Pelé, je vis le bout de la semelle droite attraper la balle, et… un caillou proéminent. Bilan des courses: ma godasse toute neuve bâillait béatement. Temps d’utilisation entre l’achat et le shoot: moins de 20 minutes!
 
Je fus donc contraint de réutiliser mes vieilles baskets.

Mais quand je rentrais certains samedis, mes parents s’étonnaient de ne pas voir mes jolis après-skis! Et pour cause, ils étaient restés bien sagement rangés au fond de mon placard. Et comme je n’avais pas suffisamment d’argent de poche, je ne pouvais envisager de faire procéder à une réparation chez Ouin-ouin!   Réclamer de l’argent à mes parents? Il aurait fallu expliquer pour quelles chaussures ils devaient payer.
Je vous laisse cependant imaginer l’accueil qui me fut réservé le jour de la sortie pour cause de grandes vacances!
Si seulement, avant de rentrer chez moi, j’avais pu   refiler ma godasse béante à mon oncle Edmond ou à Prosper!
 
 
Légende photos:
(1) tout en haut, avec ma tante Clémence sur l'esplanade à Mèze
(2) article paru dans le Midi Libre en octobre 2007... pour fêter les 100 ans d'Edmond! J'ai rédigé ce texte sur les souliers en 2005...
(3) la boîte à clous d'un cordonnier
(4) la classe de première au Lycée de Château Gontier. Je suis au premier rang, le second en partant de la gauche, la mine triste, les mains jointes... Et pourtant  mes chaussures semblent en bon état!
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La 4 CV Renault

10 Mai 2006 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 
 
 Lorsque j'étais écolier...

Mon oncle Gabriel   fit son apprentissage de mécanicien auto.
Il se grisa de moto…
 
Puis, comme  de nombreux Français moyens, il acheta une 4CV, apparemment en 1953 ; c’est du moins ce que semble indiquer l’immatriculation de son véhicule…
 
Je chérissais cette mini-voiture presque autant que lui !!! Et c’est la raison pour laquelle je me prêtais volontiers à la séance de nettoyage. Ce cliché est d’ailleurs très évocateur de l’époque : accès du plus grand nombre à l’automobile, et arrivée de l’eau sous pression sur les robinets des maisons…
Avec son prix modique et ses 565 kg, la 4CV fut vraiment la première voiture populaire de l’après-guerre. Mon oncle donne   l’échelle de ce véhicule « de poche », puisque la longueur n’était que de 3.65m pour une hauteur de 1.45m.
Ce qui pouvait surprendre le néophyte, c’est que le moteur se trouvait tout à l’arrière ; il était donné pour 4 chevaux fiscaux (d’où le nom de la voiture) et 16 chevaux réels.
Je me souviens avoir parcouru de nombreux kilomètres en compagnie de mon oncle dans sa 4CV.
Et plus particulièrement une fois où nous avons fait un long périple en France. C’était d’autant plus remarquable que le convoi était composé de deux 4CV : celle de mon oncle Gaby, et celle de mon grand-oncle Jean Duarté.
Malgré la taille ridicule du coffre dans lequel on trouvait la roue de secours, les petites voitures étaient lourdement chargées, et leur gentil moteur fut rudement mis à l’épreuve lors de la traversée du Massif Central. Le court levier actionnant la boîte à trois vitesses était souvent sollicité lors des longues montées…
Afin de faire souffler les « chevaux », on s‘arrêta pour la nuit dans un hôtel à Roanne… et le convoi repartit gaillardement vers la Mayenne le lendemain matin.
En 1961, Renault arrêta la production de sa 4CV après avoir sorti plus d’un million d’exemplaires…
Ce fut la Dauphine qui lui succéda. 
 
On entamait alors les années « 60 »
 
 
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Les écrevisses

22 Avril 2006 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 
Qui a dit : «  Les écrevisses, c’est les langoustines du pauvre ? »
Vous me direz que dans les années 50, les langoustines, on n’en trouvait pas tous les jours sur la table des « besogneux ».
Et des écrevisses non plus d’ailleurs !
Mais voyez plutôt la suite.
Lorsque j’étais écolier, j’allais souvent faire un tour au salon de coiffure tenu par ma grande- tante Berthe. Elle était mariée avec Jean, un frère de mon grand père maternel. Et j’aimais ce bonhomme… au cœur tendre (ne souffrait-il pas d’angine de poitrine ?)
Parfois, alors que je me prélassais dans un fauteuil inoccupé, la tête presque fourrée dans le gros séchoir électrique se trouvant au-dessus, l’esprit chamboulé par les odeurs de teinture et le parfum voluptueux des clientes, Jean me tirait de ma rêverie : « Dis-moi, Bernard, tu ne pourrais pas aller chez le boucher m’acheter de la rate ? »
Il est certain que j’allais changer complètement le registre des senteurs… Je n’aimais pourtant guère fréquenter l’échoppe du sanguinaire vendeur de viandes, lui dont le tablier blanc était souvent maculé de taches rouges, lui qui trônait au milieu de longs couteaux et de quartiers de bœuf qu’il allait chercher dans sa chambre froide… Mais la rate étant synonyme d’une joyeuse sortie en perspective, je ne me faisais pas trop prier pour aller acheter l’appât.
Mais pour quoi faire me direz-vous ?
Pour aller aux écrevisses, pardi !!!!
Auparavant, il fallait bien évidemment vérifier les balances !!!
Ces fameux cercles de métal sur lesquels étaient tendus des sortes de filets, avec un plomb au centre et un morceau de ficelle afin d’y maintenir les abats dont les écrevisses semble-t-il raffolaient. Du cercle partaient trois ficelles reliées entre elles, elles-mêmes accrochées à une ficelle plus grosse destinée à poser et relever la balance.
A près avoir vérifié le matériel, nous prenions la petite 4CV et nous partions vers des ruisseaux « secrets », serpentant sous des arbustes,     bien tapis dans l’écrin du bocage qui mettait en valeur le frêle gazouillis de cette onde pure.
J’ai oublié le nom des lieux de pêche, mais j’ai conservé intactes les lourdes senteurs de la viande « faisandée » auxquelles se mêlaient les suaves parfums de la campagne… et l’odeur de l’eau. Mais si, l’eau a une odeur ! Cela me faisait d’ailleurs sourire quand le Maître d’école expliquait lors des « leçons de choses » que l’eau est inodore. Non, mon eau, l’eau de mon enfance, elle avait une odeur !
A pas de loups, vêtus de sombre, nous approchions du ruisselet, et d’un œil expert Jean dénichait les bons coins. Puis il fallait déposer les balances au fond de l’eau. Pour ce faire on utilisait une « guignette », sorte de petite fourche en bois au bout de laquelle coulissait la ficelle qui maintenait la balance. D’un geste expert, il fallait « lancer » le piège au bon endroit, sans ameuter la population aquatique. Au bout de chaque ficelle, on avait attaché une feuille de papier journal, ce qui servait de repère dans l’herbe afin de retrouver l’endroit où étaient placées les balances. C’était une pêche active au cours de laquelle on passait et repassait, observant très souvent dans l’eau claire la valse hésitation des crustacés tentés par la charogne. Et quand on soulevait la balance, il fallait contenir ses cris de joie afin de ne pas apeurer nos futures proies, celles qui étaient encore tapies sous les berges.
Je ne sais plus quelles étaient les règles de cette pêche: nombre de balances autorisées, taille des mailles et taille mini des écrevisses… Mais mon oncle remettait consciencieusement à l’eau les « petiotes » afin de les laisser grandir…
Les autres rejoignaient un récipient dont elles tentaient de s’échapper… je les vois encore grouiller au fond du seau sur les parois duquel elles faisaient crisser leurs pattes.
En fin de journée, fiers de notre butin, nous revenions avec des vêtements un peu crottés et imprégnés des odeurs de notre campagne.
Et avec dans la tête, la douce perspective d’un festin !
Tout comme lorsqu’on vidait périodiquement l’étang de la Forge à Pré en Pail.
On m’avait expliqué que ce petit plan d’eau nécessitait une vidange à espaces réguliers, afin de vérifier les berges, la pale… et le bon développement de ses « habitants ».
Je me souviens avec délices ce travail pourtant difficile, au cours duquel, le niveau de l’eau baissant, on voyait apparaître petit à petit le dos des grosses carpes qui se concentraient là où il y avait encore un peu de quoi s’ébattre. On les capturait à la main ou avec les épuisettes afin de les mettre dans de grands baquets, mais elles se débattaient furieusement, nous glissaient entre les doigts, et nous éclaboussaient avec ardeur. On triait les poissons par tailles et par espèces… On évaluait ceux qu’il fallait remettre à l’eau…
Les anguilles quant à elles se faufilaient dans l’eau boueuse, essayant de regagner la terre ferme afin d’échapper à la capture.
Chacun occupait un « poste de travail » en fonction de ses aptitudes…
Mon grand-père s’était fait une spécialité dans le dépiautage des anguilles par exemple…
Et pour nous autres gamins, quand la hauteur de nos bottes permettait enfin de descendre dans le lit de l’étang, débutait la « chasse » aux écrevisses. Nous avions là en effet un immense avantage sur les adultes,    car nos petites mains permettaient d’aller fouiller les interstices entre les gros cailloux chargés de consolider les berges.
Nos vêtements étaient maculés de vase dont l’odeur prenait à la gorge… mais là encore, la perspective d’un délicieux repas faisait oublier l’aspect un peu pénible de la tâche.
Car cette pêche «  miraculeuse » revêtait un aspect très festif, enjolivé par le caractère joyeux des nombreux membres de la famille participant à cette tradition.
Pas de fête sans repas…
Tout ce petit monde se requinquait au cours d’un délicieux dîner où le poisson tenait bien évidemment une place de choix… mais c’était le moment où ma tante Marie-Thérèse allait apporter le plat avec les écrevisses   qui m’emplissait de bonheur.
On en prenait d’abord plein les narines, plein la vue…. face à ces bestioles qui par magie étaient devenues bien rouges…
Et plein les mains !
Ne parlons pas des indispensables serviettes… pas franchement utiles pour protéger nos vêtements peu présentables, mais pour s’essuyer les doigts !
On commençait rituellement par « licher » tout d’abord le crustacé, afin de le débarrasser de la sauce dans lequel il avait cuit… sauce qui parfois « emportait la gueule » tant elle était forte !
Puis on séparait la « tête » de la queue… on décortiquait même l’intérieur des pinces… où il n’y avait pourtant pas grand-chose à manger… Mais on avait l’impression de « mériter »   ce festin.
Festin de roi.
Qui valait bien la « dégustation » de langoustines… que je fis beaucoup plus tard.
Et qui surpasse de loin le homard que mes parents mirent au menu de ma communion !
 
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