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Photo / VTT / Billets d'humeur /  Géocaching / Modélisme / Années 50

Entre nous soit dit...

29 Novembre 2007 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Billet d'humeur

Entre  nous soit dit…
 
 
Je voudrais commencer mon entretien du jour par cette blague dont se délectait un de mes camarades de classe, qui interrogeait les nouveaux venus dans notre groupe:
« Quelle est la différence entre une cigogne ? »
Ses interlocuteurs interloqués et interdits réagissaient de façons diverses devant cette question incongrue.
Ils finissaient tous par donner leur langue au chat. Forcément !
C’est alors que mon facétieux camarade fournissait  la solution :
« La différence entre une cigogne ?  Ben, y’en n’a pas !!! »
Et d’asséner à ses auditeurs médusés :
«  Elle a les pattes identiques…. Surtout la gauche ! »
Sur ces entrefaites, il s’en allait toujours aussi guilleret, ravi d’avoir entretenu le suspense un certain temps.
Mais pourquoi donc cette blagounette ?
Puisque nous sommes entre  nous, je vais vous faire une confidence.
J’étais hier à l’écoute de la radio, qui diffusait par l’entremise de France Inter une chronique intitulée « blog à part ». Cette dernière renvoyait vers une adresse Internet  dont l’auteure brocardait la société de consommation… Textes pleins d’humour, que je lus avec plaisir, pour tomber sur l’un d’entre  eux  qui,  dans un entrefilet,   évoquait du papier toilettes spécial enfants, avec taille des  feuilles adaptée aux petites mains, faciles à séparer puisque conçues  « … avec des pointillés très distincts entre  chaque feuille ! »
Diantre…  On n’arrête pas le progrès… Joindre l’inutile à l’agréable !
Mais j’aurais préféré « avec des pointillés entre deux feuilles ».
Arrive midi…
J’en étais benoîtement à la fin de mon repas, au stade des entremets…C’est alors qu’on sonne à ma porte… C’est mon voisin à qui je dis : « Entre  donc ! »
Et celui-ci d’entreprendre : « Peux-tu m’accorder une entrevue ? Parce que j’ai un petit tuyau informatique à te demander, si tu en as le temps,  vu que j’ai entrepris quelques travaux d’entretien ; je suis en train de repeindre mes toilettes, et entre  chaque couche, la notice préconise de laisser quelques heures… »
J’étais donc assis le cul   entre deux chaises : finir mon entremets ou différer ma réponse.
Déjà préoccupé par l’expression de ce matin «entre  chaque feuille », je choisis d’entrer dans le vif du sujet.
« Mais, dis-moi Michel,  pourquoi entre chaque couche ? Soit tu dis entre deux couches, soit tu dis après chaque couche… Pour être « entre », il faut deux choses… Je ne peux pas être assis entre une chaise ! Ta maison est entre la mienne et celle de Vincent…  Dans la crèche, le petit Jésus se trouvait bien   entre le boeuf et l’âne gris ! »
C’est alors que nous entreprîmes une discussion sur la signification de la préposition entre, et qu’entre-temps, nous eûmes toutefois  la possibilité de boire un petit café…
C’est tout juste si nous n’en oubliâmes pas l’objet de son entrevue !
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Le lion

9 Novembre 2007 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Chroniques des années 50

 

 

Lorsque j'étais écolier, le Maître régnait sur un empire dont les bornes atteignaient tout juste l'enceinte de l'école… et un peu au-delà ! Ses jugements étaient indiscutables, tout comme devait l’être son savoir, car il ne semblait jamais consulter la bible qu'était l'unique dictionnaire Petit Larousse de cette classe.  La sévérité du Maître se devait d’être  à la hauteur de sa noble tâche; et lorsque nous avions fait quelque bêtise, il était inutile d'aller nous plaindre auprès de nos parents.

 Pourtant, je me plaisais à imaginer qu'un autre personnage lui disputait son autorité.  Ce personnage, ne l'avait-on pas enfermé dans une cage grillagée?  De plus, il trônait bien en évidence au milieu de la pièce, son corps de fonte était prolongé par une queue qui montait vers le plafond, puis bifurquait à angle droit avant de disparaître dans le mur.  Il reposait sur quatre pieds dont la forme rappelait les pattes d'un lion, Roi de l’Afrique ! Il était plutôt silencieux, et n’intervenait jamais au  cours des leçons.  Pourtant. il lui arrivait de ronronner bruyamment, lorsqu'on l'avait trop bien nourri.  En effet, il faisait l'objet d'un culte assidu, dont les "vieux" de quatorze ans étaient les grands prêtres.  Ces élèves, qui devaient passer le Certificat d'Etudes, lui préparaient ses repas quotidiens.  Pour le petit déjeuner, il s'ouvrait l'appétit avec du papier froissé, du fagot, et enfin du bois coupé menu à la hachette par les grands, ceux du Certif. Ce cérémonial se déroulait dans le bûcher ; et à l'évocation du mot « bûcher » surgissait l'image de Jeanne d'Arc brûlée vive par la faute de l’infâme évêque Cauchon.  En plat de résistance, mon fauve ingurgitait quelques seaux de charbon. On m'avait bien expliqué que des mineurs descendaient au fond de la terre pour extraire ce combustible.  Mais comment la Nature avait-­elle pu fabriquer de tels boulets, bien lisses, tous identiques, parfois ornés de deux au trois équateurs en leur milieu?

 Toujours est-il que mon fauve avalait sans sourciller ses différentes rations.  Mais lorsqu'on l'avait un peu trop gavé, il se mettait à ronfler: il en rougissait de plaisir, et rayonnait de bonheur.  C'est alors qu'avait lieu le miracle.  Son corps devenait translucide, et l'on pouvait distinguer tout ce que contenaient ses intestins.  C'était comme quand le Maître, profitant du malheur des autres, saisissait l'opportunité d'un bras cassé pour récupérer les radiographies de la victime : nous pouvions  ainsi  "voir" l'humérus, le radius et le cubitus.  Comme j'aimais ces leçons de sciences!

 Mon fauve, c'était vraiment le Roi; en classe, il marquait son territoire à l'odeur; parfois à l'aide d'une fumée épaisse et irrespirable; parfois il lâchait jusque sur le parquet quelque braise incandescente; c'est peut-être pourquoi, nous autres, les « petits », nous ne pouvions pas l'approcher; nous devions, comme au zoo, rester derrière les grilles.

Inévitablement, je me prenais à rêver que le royaume de mon fauve figurait sur les cartes de géographie "Vidal-Lablache" qui ornaient les murs de la classe.  Ses territoires, dont l'A.O.F. et l'A.E.F., m'apparaissaient en vert sale et marron délavé qui symbolisaient            mal à mes yeux sa Toute-puissance sur le continent africain.

 C'est grâce à Tintin, le célèbre compagnon du capitaine Haddock, que j'avais appris à connaître l'Afrique ainsi que  l'existence du Congo… ( et aussi certains jolis jurons tels que Australopithèques, bachibouzouks, ou mille millions de mille sabords!) Mais cela, bien évidemment, à l'insu du Maître; car à cette époque, les albums n'étaient pas en odeur de sainteté dans les écoles ( on ne disait pas encore B.D.); nous faisions donc circuler discrètement "le sceptre d'Ottokar" ou "les 7 boules de cristal", sachant que nous prenions des risques délicieux... En matière de littérature, Victor Hugo était le Maître incontesté, mais son poème "Océano nox" demeurait bien mystérieux pour le jeune enfant que j'étais.  J'y préférais le bon La Fontaine, ou les aventures de l'enfant d'éléphant, au bord du fleuve Limpopo.

 Au printemps, avec le retour des hirondelles, mon fauve disparaissait de la classe.  Tout comme les cloches partaient pour Rome à Pâques, je m'imaginais qu'il retournait en Afrique afin d'inspecter son royaume, et faire des réserves de chaleur qu'il nous distribuerait à son retour.  Effectuait-il un voyage inverse à celui des oiseaux migrateurs?  Hibernait-il, prenant la place des ours  ou des marmottes ?  Je  n'ai jamais bien su...

 Ce fauve n'était qu'un banal ...  poêle à charbon!

Mais il avait pris dans mon imaginaire une place de choix.

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