Voeux 2009
A toutes celles et à tous ceux qui ont l'intention d'y revenir...
Bonne et heureuse année 2009!


L’ivresse des cimes
L’ivresse des cimes
Toute la semaine, le temps a été exécrable. Brouillard, bruine, froid…
Quand au milieu de cette grisaille, la météo annonce une fenêtre favorable : éclairicies, vent de Nord-Ouest.
Je contacte mon compère Noël, et nous convenons d’une sortie en vol de pente.
Nous voici donc tous les deux dans l’herbage en pente. Le ciel est parsemé de petits cumulus, et malgré la température à peine supérieure à zéro, la sensation de froid est tempérée par les rayons du soleil.
Nous savourons tous les deux la griserie de pouvoir respirer au grand air et de faire « mumuse » avec nos planeurs.
Le nez pointé vers l’azur, nous échangeons des propos anodins…
Dialogue, extraits :
« On est bien, hein, là, tous les deux ?
- Ouais !
- C’est mieux que de rester enfermé à la maison !
- Ouais !
- Et au moins, on ne fait pas de conneries!
- Ouais… »
Le « au moins, on ne fait pas de conneries» c’est Noël qui vient de le dire…
Et moi, naïvement, d’ajouter : « Du moins pour le moment ! »
J’ai à peine prononcé cette phrase que j’entends un bruit auquel je ne m’attends pas, comme un froufrou dans les branchages.
Je demande alors:
"C'est quoi ce bruit?"
Et Noël de répondre:
"J'sais pas..."
J'en profite pour scruter rapidement le ciel… et je trouve... un seul modèle en vol.
Je questionne alors :
« Dis-moi, Noël, mais où est ton planeur ? »
Et lui, posément, avec une superbe assurance, de pointer son index vers le seul planeur qui reste dans le ciel, et d’affirmer :
« Là ! Voyons !!! »
« Euh…Ben non, Noël ; celui-là, c’est le mien !!! »
Et afin d’en être vraiment sûr, j’imprime illico-presto un mouvement de roulis à ma machine.
Mon compagnon comprend immédiatement sa bévue : il « pilote » mon planeur !
Mais au fait, où est le sien ?
Je lui signale alors que, juste avant d’entendre le froufrou, j’ai aperçu du coin de l’œil un bidule blanc qui semblait se trouver au-dessus de la haie située sur notre droite.
Noël se met rapidement en devoir de marcher dans cette direction, cherche quelque temps… et finit par retrouver son planeur, le nez un peu rétréci à la manière d’un museau de bouledogue.
Fort soulagé, mon acolyte revient alors avec son modèle à la main, contemplant la terre qui orne l’avant du fuselage.
Mais comment expliquer cette perte de contrôle visuel ? Mon modèle est plus grand et possède un empennage en "T", alors que le sien est équipé d'un empennage classique...
Il tente vainement d’apporter une explication, aussi scientifique que possible… ponctuée par cette question qui revient comme un leitmotiv : « Mais où avais-je donc la tête ? ».
Je ne saurais répondre...
J’oserais toutefois émettre une hypothèse, qu’il nous faudra bien évidemment vérifier :
Malgré le faible dénivelé de nos pentes mayennaises, serions-nous donc victimes d’un mal appelé ivresse des cimes !!!
Arsenic et vieilles dentelles….
Arsenic et vieilles dentelles….
Le modélisme mène à tout, dit-on…
Y compris aux échanges culturels.
Il fut un temps où, grâce à nos amis Monique et Félix, notre club entra en relation avec un club britannique.
Nous avions pris l’habitude de traverser le Channel afin de nous rendre chez nos correspondants… Et ils en faisaient autant l’année suivante.
C’est au travers de ces échanges que nos sens s’affinèrent.
J’ai encore sur la langue la douce saveur des embruns de la traversée.
Mes yeux gardent encore le souvenir ébloui
du premier Spitfire que j’eus le plaisir de voir évoluer, le fameux D-NN. C’était à la Shuttleworth Collection.
Mes oreilles conservent encore la musique de son Moteur Rolls Royce. Mes narines se souviennent des odeurs d’échappement…
Mon corps ressent encore les vibrations des « warbirds » lors des meetings de Duxford…
Vous aurez pu remarquer que les différents sens dont le corps humain est équipé se montrèrent sollicités par ces échanges.
Et il est un autre sens, celui de l’humour, auquel nous fîmes souvent référence… sachant que l’humour britannique est paraît-il fort particulier.
C’était un soir de fête, nous étions plusieurs couples de modélistes autour d’une grande table. Sur ma droite, se trouve Agnès. Elle est Suisse d’origine, venue en Angleterre lors de ses études afin de parfaire la pratique de la langue ; elle y a rencontré un beau jeune homme, sans doute déjà aéromodéliste. Ils convolèrent en justes noces.
Ils vivent dans un authentique cottage du 16ème siècle au toit de chaume. Monument historique !
Agnès est une femme très stylée, toujours bien mise, s’exprimant dans un français très « haut de gamme », un peu 18ème siècle. Et c’est à ses talents de traductrice que nous faisons souvent appel lorsque nous sommes en panne.
Ce soir-là, au moment de porter un toast à l’amitié franco-britannique, je m’apprête à dire quelques mots, que je pense conclure par un banal « bon appétit ». Mais plutôt que de baragouiner dans mon anglais de cuisine une traduction littérale, je me demande s’il n’y aurait pas une expression « bien sentie ».
Je me penche alors vers ma voisine, et je lui demande : « Ma chère Agnès,
comment dit-on "bon appétit" en anglais, please ? »
Cette question sembla soudain mettre mon hôtesse dans l’embarras…
Puis après quelques secondes de flottement, cette femme élégante et raffinée, qui vivait
en Angleterre depuis quelques décennies et avait donc eu le temps de parfaire sa connaissance des « British », elle se pencha à son tour afin de me chuchoter
cette réponse, pour le moins perfide, à l'encontre de la… perfide Albion:
"Je crois que cela ne se traduit pas...
On ne peut guère souhaiter bon appétit à un britannique..."
Sens de l’humour suisse, mâtiné sauce anglaise!!!
Ah, ma chère Agnès ! Redoutable touche assassine trempée dans l’arsenic à l’égard du peuple qui vous avait accueillie… Vous qui disiez mettre en exergue la neutralité du peuple qui vous vit naître !!!
Je ne sais plus aujourd’hui comment il me fut donné de conclure mon laïus.
Mais tout pendant le repas, je ne pus m’empêcher de penser aux deux personnages féminins de la pièce « Arsenic et vieilles dentelles ! »