Vous avez dit : « Atrabilaire » ?
S’il est une pratique que je trouve « passionnante », c’est celle qui consiste à m’envoyer un appel téléphonique, surtout au moment du repas, avec en arrière-plan une démarche commerciale.
Voilà-t-y pas que l’autre midi, j’avais à peine entamé mon entrée chaude, la sonnerie retentit, ligne France Télécom.
« Bonjour, je me présente : je suis Jérôme ZZZZ de la société Bidule-Solar… »
J’interromps poliment mon interlocuteur pour lui dire que s’il a un produit à me vendre, c’est surtout pas le moment.
Le type se rebiffe quelque peu, et m’assure que non, il n’a rien à vendre.
Il continue donc son exposé… mais la tournure de ses propos m’amène à penser que son intention est au moins de me caser un rendez-vous avec un de ses commerciaux.
Je réitère mon refus…
Le type hausse la voix…
Moi aussi.
Et, sur un ton qui ne semble pas admettre la réplique, il finit par me lâcher :
« Mais enfin, Monsieur, vous allez me laisser parler oui ou non ? »
C’est alors que je lui ai asséné vertement :
« Ah, ça, c’est la meilleure ! Vous venez m’importuner au moment du repas… et en plus je me fais engueuler ! Monsieur, nous n’avons plus rien à nous dire ! »
Et j’ai sèchement raccroché.
Je suppose qu’au centre d’appel, mon histoire a dû circuler, pour signifier que du côté de Bais, il y avait un vieillard atrabilaire qu’il valait mieux ne pas réveiller… surtout
au moment des repas.
Suite à quoi, j’ai pu continuer mon entrée, tranquille.
Elle avait juste eu le temps de tiédir.
Et figurez-vous que le même jour, en soirée, juste au début du repas, le combiné de la ligne Internet se met en branle.
« Bonsoir monsieur. Je m’appelle Sophie YYYYY… de la société Bidule-Solar…
- !!!! (Tiens, c'est les mêmes. Mais changement de stratégie notable...)
- Suite aux nombreuses implantations de panneaux solaires que nous avons effectuées dans votre commune, j’aimerais savoir si…
- Non, mademoiselle, je n’ai pas l’intention de vous faire savoir…
- Vous êtes bien propriétaire de votre pavillon sis au 9 résidence des…
- Non !
- Vous n’êtes pas propriétaire ?
- Non !
- Ah ??? Bon… Au revoir monsieur.»
Je n’ai pas eu besoin de me montrer atrabilaire.
Cette fois, il m’a juste suffi de mentir afin de me débarrasser aisément d’un(e) importun(e).
J’aimerais toutefois faire remarquer que j’ai demandé à plusieurs reprises de figurer en liste orange, celle où en principe on est à l’abri des démarches commerciales.
Comme vous pouvez le constater, c’est d’une efficacité remarquable !
Alors, je n’ai plus guère que 3 solutions :
- passer en liste rouge… mais cela ne me tente guère
- me montrer atrabilaire lorsqu’on m’appelle…
- ou bien éprouver le délicieux sentiment que procure le mensonge!
Cela vaut peut-être mieux en effet que de faire monter la tension…
Vous avez dit « Savoir vivre » ?
Pourquoi donc ce matin aborder un sujet qui ne semble pas soulever l’enthousiasme des foules ?
Pour deux très petits détails de la vie quotidienne.
Scènes de la vie courante.
La première, c’était hier soir.
Je dois assister à une réunion… Arrive une femme que je connais, elle s’avance vers moi, et avant même qu’elle ne me tende la main, j’ôte ma casquette.
Elle esquisse un sourire.
Survient une seconde femme. La scène se renouvelle. Et voilà les deux dames en train de me « charrier » gentiment… surprises qu’elles sont de ma réaction.
Ce à quoi je réponds que, tout petit, mes parents m’ont inculqué un certain nombre de préceptes, des règles du savoir vivre qu’ils qualifiaient d’élémentaires. Et que je n’ai pas l’intention de déroger.
Mais elles me demandent de ne pas me méprendre, et disent apprécier mon geste.
Second épisode, ce matin.
Je descends dans le bourg, afin de proposer à certains commerces ou administrations des affichettes concernant une animation locale…
A chaque fois, je présente ma démarche… jusqu’au moment où j’entre dans…
Non je ne vous dirai pas où… cela risquerait de revenir aux oreilles de celui qui m’a aimablement reçu. Tout comme cela pourrait compromettre son plan de carrière!
L’homme est assis derrière son bureau.
Il est visiblement occupé à manier une grande paire de ciseaux avec laquelle il... se taille soigneusement les ongles!
Absorbé par une tâche qui requiert apparemment une attention très soutenue.
Est-ce que je le dérange ?
Visiblement, il ne me connaît pas. Je décline donc mon identité, et la raison pour laquelle j’effectue ma démarche.
Mon interlocuteur ne se départit pas de son « boulot »…
Quand il daigne enfin jeter un œil sur l’affiche… il pose avec nonchalance la pointe de ses ciseaux sur le bas de mon feuillet... et lève un œil furtif afin de parcourir très rapidement mon papier.
Mais très vite, il reprend son labeur de manucure.
Devant son peu d’intérêt, je lui précise alors que s’il ne veut pas de mes documents, je ne serais pas vexé…
Mais, à ma grande surprise, il me coupe la parole (toujours avec ses ciseaux à la main) pour me dire :
« Bon, ben, j’vais l’afficher toute de suite! Au moins, ça sera fait !»
Je dois avouer que j’avais une envie folle de me marrer, de lui dire à quel point il aurait irrité mes parents s’ils avaient été témoins de cette scène.
Mais j’ai essayé de rester digne.
N’empêche…
Suis-je un vieux con pétri de vieilles manières ?
Mes principes sont-ils carrément démodés ?
Tant pis, je continuerai de laisser le haut du trottoir aux gens plus âgés que moi…
Je continuerai de maintenir la porte ouverte dans les magasins le temps que les personnes qui me suivent puissent effectuer leur manœuvre.
Je continuerai de m'arrêter en bagnole pour laisser passer les piétons(1)…
Je continuerai…
Même si je dois passer pour un vieux schnock !
(1) mon père, qui m'a initié aux subtilités de la conduite automobile, ne disait-il pas: " Bernard, savoir conduire, c'est avant tout savoir SE conduire."
Près d'un demi-siècle plus tard, je pense avec force qu'il avait bigrement raison!