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Photo / VTT / Billets d'humeur /  Géocaching / Modélisme / Années 50

La canne-pétoire

30 Décembre 2012 , Rédigé par Bernardino Publié dans #Scènes de la vie rurale

Suite à la lecture de mes « Chroniques des années 50 en Mayenne », un  correspondant vient de m'adresser un petit mail,  dans lequel il me fait part de ses souvenirs personnels.

carte-visite-chroniques.jpg

Et d'évoquer « la canne-pétoire (1)»... ce que nous prononcions avec l'accent des gens du cru, tels de vrais Bas-Mainiaux:  «eun'  cann'-peutouère » !

 

Mais pourquoi donc revenir sur ce machin insignifiant et inutile ?

Fait à base de sureau, permettant de lancer des boulettes de chanvre humidifié ou plein d'autres projectiles...

 Tout d'abord parce que l'art de fabriquer ce jouet (et combien d'autres!) faisait l'objet d'une transmission par les plus «grands» envers les plus "petits".

Et donc de faire remarquer que, dès le plus jeune âge, chacun avait pris conscience qu'il était détenteur d'un certain savoir.

Que ce savoir se devait d'être partagé, y compris à l'école où les "grands" tenaient la main des "petits" sur leur page d'écriture, quand ce n'était pas pour jouer les répétiteurs sur la page de lecture... 

Et que tout ce partage de savoirs  engendrait un maximum de plaisir, tant pour celui qui donnait que pour celui qui recevait,

D'autre part, le jouet "canne-pétoire" ne coûtait rien ! Absolument rien ! Entièrement gratuit !

Il suffisait d'avoir appris à bien observer la Nature afin de déterminer le type d'essence à utiliser, pour ensuite sélectionner le tronçon de branchette le plus approprié...

Ah, quel bonheur que savoir « lire »... lire... aussi la Nature !

C'est à dire prélever du sens autrement que par l'écriture et l'alphabet...

 

Vous me direz que « dans ce temps-là », les enfants des campagnes bénéficiaient d'une rare liberté dont ils usaient, abusaient parfois peut-être... mais dont ils avaient conscience qu'elle était source de joies intenses.Baignade-au-Moulin-Neuf.jpg

Nos parents ne se formalisaient pas de nous voir partir traîner dans les chemins, au bord des haies, le long des rivières, où tout était prétexte à observer, fouiner, découvrir.

 

Mais -et j'ai oublié l'essentiel-  afin d'être performant, chaque campagnard se devait de posséder un outil, que dis-je ? Non pas « un »,  mais assurément  « LE » truc miracle qui permettrait de mener à bien  nos  nombreuses entreprises.

 

Je veux évidemment parler de l'indispensable canif, LE véritable « couteau suisse » qui, bien que sommaire et ne comportant pas une quantité industrielle de lames, s'avérait LE compagnon idéal dont on ne se séparait que rarement.

Et peu importait de savoir s'il était de marque, ou « vulgairement » acheté au bazar du coin...

C'était bien l'aspect fonctionnel qui nous intéressait !

 

Lorsqu'après avoir (enfin!) obtenu le fameux "permis de  port du canif", nous attachions  triomphalement l'outil au bout d'une chaînette afin de ne pas le perdre si on devait sauter un fossé ou escalader une « émousse(2) ».

Et ce fichu canif devenait l'indispensable compagnon qui permettait de fabriquer tout à la fois d'autres outils ou bien des jouets, tailler des guignettes(3) pour abaisser les branches de noisetiers à la fin de l'été, fabriquer des cannes à pêche,  des arcs avec leurs  flèches,  confectionner des petits moulins que l'on faisait tourner sur un ruisseau...

Et quand on maîtrisait l'art de  la canne-peutouère, on évoluait vers le "musical" subier(4)!

L'imagination était au pouvoir.

Et l'expérimentation faisait partie du quotidien.

 

Je n'ai pas souvenir d'avoir vu un seul de mes compagnons détourner cette arme potentielle qu'est le canif vers d'autres tâches que celles lui étant dévolues.

Je crois bien même qu'il nous accompagnait jusque dans l'école.

Et personne ne s'offusquait de la chose !

 

J'imagine aujourd'hui un gamin de classe primaire se pointant avec un canif dans une enceinte scolaire !

Ou plutôt non ! Quand on voit déjà comment sont perçus les compas ou autres ciseaux... Je n'ose même pas imaginer !

Quel tollé général ce  malheureux  canif pourrait déclencher !... Un énorme buz, pas vrai ?

 

Autres temps, autres mœurs !

J'ai cependant conscience d'avoir pleinement bénéficié d'une école « buissonnière » parallèle à la « vraie » école. Et combien  ces deux formes d'apprentissage étaient complémentaires et infiniment riches.groupe-d-enfants-devant-la-vieille-classe---Cherance-2.jpg

 

Au temps des tablettes tactiles et autres jeux électroniques, à quoi bon se montrer nostalgique ?

Personne ne pourra pourtant m'empêcher de penser que le temps des canne-peutouères, ben... c'était quand même le bon temps !

 

 PS1: sur la photo de groupe, le petit bonhomme tout à gauche avec des bretelles... l'auriez-vous reconnu? Rapport avec mon avatar?

PS2: le "petit" baigneur? mon frère Jacky au Moulin Neuf.

 groupe-d-enfants-devant-la-vieille-classe---Cherance.jpg

Lexique :

 

- (1) la canne peutouère (avec balle de chanvre) ou la canne gilouère (avec de l'eau) : que l'on peut traduire par sarbacane. 

sortes de seringues taillées dans du bois de sureau à l'intérieur duquel se déplace un piston.

 

- (2) une émousse : tronc d'arbre étêté, de forme trapue. Idéal pour faire un château-fort  quasiment imprenable!

 

- (3) une guignette : morceau de bois se terminant par un « crochet » permettant d'abaisser les branches ; mais une autre forme de guignette pouvait se terminer par un « Y » afin de soulager le fil à linge !

- (4) le subier: sorte de sifflet, parfois à coulisse, ce qui permettait de moduler les sons...  

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B
<br />  <br /> <br /> <br /> De mon ami Daniel, ce savoureux commentaire:<br /> <br /> <br /> "Moi qui suis Breton bretonnant  (le français, je<br /> l'ai appris à l'école, le breton étant ma langue maternelle), je découvre qu'en "ces temps- là", dans mon nord Finistère, moi fils de paysan, nous avions la même liberté de courir à travers bois et prairies, de pêcher la<br /> fario avec des gaules improvisées,  de construire des cabanes dans les arbres et de fabriquer  ces mêmes jouets taillés dans des branches de noisetiers ou de<br /> sureau, comme la canne-pètoire.<br /> <br /> <br /> Ma mère nous l'interdisait car nous percions nos pulls de laine au niveau du nombril en la<br /> faisant fonctionner!<br /> <br /> <br />  Oui, c'était le bon temps!<br />
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