Vers 14 heures, nos planeurs comme bagages, nous devisions donc allègrement, Stéphane et moi, cheminant dans le sentier de randonnée qui nous menait vers
la pente convoitée.
Mes chaussures roulaient sur le tapis de glands qui jonchaient le sol…
Surgit
soudain une réflexion faite par mon petit-fils qui adore arpenter les chemins creux de notre bocage. Il devait avoir dans les 5 ans.
« Dis, Papy, pourquoi les arbres qui sont autour du chemin on les appelle des chênes, alors qu’ils font des glands ? On devrait les appeler des
glandiers ! Les pommiers donnent des pommes, les cerisiers donnent des cerises, hein, Papy ?»
Logique, non ?
Nous avançons dans ce boyau végétal, avec l’accompagnement musical du vent dans les branchages.
Parfois, nous devons contourner les nombreuses branches de bois mort, jetées au sol lors des journées tempétueuses que nous venons de connaître.
Puis nous débouchons dans la prairie en pente qui sera le théâtre de nos exploits.
Stéphane assemble son Easy Glider électrique (qu'il appelle Zizi Glandeur); moi, je prépare mon Solution…
Et nous lançons.
La portance est fort généreuse. Utilisant la force éolienne, nos modèles grimpent allègrement.
Stéphane s ‘amuse à « gâcher » comme il dit. A savoir que lorsque son Easy Glider se trouve très haut, il le fait redescendre « à
donf ».
Puis il interrompt son vol, et contemple le paysage.
Arrive alors Pascal, un troisième larron modéliste.
Je pose mon modèle après une heure de vol.
Stéphane relance. Et s’amuse avec le vent qui a forci.
Je sors mon appareil photo numérique…
Tiens, et si on faisait une petit vidéo de ce fameux « Zizi Glandeur »?
Stéphane me dit alors que pour poser, ce serait bien d’arriver par le haut du champ, dans la trouée faite entre deux grands chênes. (voir ci-contre) Moi, je suis
sceptique…
Mais écoutez plutôt la fin de l’enregistrement sonore accompagnant les images :
Moi : « Tu veux poser, Stéphane ?
- Ouais !
- Vas-y, j’observe !
- …
- Ben alors, ça pose pas ? Toi qui
disais que tu savais poser ton « Zizi » dans un mouchoir !
- Euh, ben… ça recule au
contraire.
- D’accord, mais les chênes sont
derrière ! »
Et sur les images, on voit un planeur qui se dandine, qui recule, tente de repartir vers le large.
Fin de la séquence.
Le vent ayant encore forci, j’assemble mon Micro Floh tout plastique, petite bombe de 1.12m d’envergure, modèle chargé comme une mule…
Juste avant de lancer, j’entends comme un bruit de fagot qu’on piétine, et des jurons !
Le Zizi Glandeur vient de se poser… dans un chêne. Une mauvaise rafale, une appréciation de la distance un peu foireuse… et voilà le résultat.
Nous sommes trois au pied de l’arbre. Pascal essaie de grimper… mais impossible d’atteindre les branches hautes… Stéphane tente de mettre le moteur
électrique en route afin de dégager le modèle. Mais seul le cliquetis des pales d’hélice sur les branchettes résonne comme un aveu d’impuissance. Stéphane peste de plus belle.
Et moi de conseiller :
« Il suffirait d’avoir une ficelle lestée à un bout… de lancer vers les branches… j’ai déjà récupéré des modèles de cette façon, surtout quand je
pratiquais le vol libre… ! "
Et Stéphane d'ajouter: "Ouais, mais j’ai pas de ficelle. Je téléphonerais bien à à Noël de m’en apporter… ou bien une
échelle...»
Je tends donc mon téléphone portable à mon camarade, qui explique son désarroi.
Trop impatient, Stéphane se saisit de branchages morts, et les jette vers son modèle.
Curieusement, le chêne les conserve pratiquement tous dans ses branches ! Serait-ce comme une vengeance exercée par le bois de chêne? Il faut savoir que
l’Easy Glider est constitué uniquement de polypropylène expansé… pas de bois, pas un seul morceau de balsa !
Réaction d’entraide avec son copain balsa ? Ou bien représailles d’un arbre qui sait que certains modélistes n’ont pas hésité à tronçonner un de
ses congénères afin de récupérer leur modèle ?
Peu de temps après, tel Zorro, arrive Noël, "le grand Noël, le beau Noël, avec son cheval et son grand lasso… "
Euh, non, sans son cheval, qu’est-ce que je chante-là ? Mais avec son « lasso » !
Deux lancers suffiront à faire descendre l’oiseau.
Evaluant les dégâts, Stéphane promet alors : « Bof, il va aller directement à la poubelle, t’as vu la gueule qu’il a ?
- Laisse passer la nuit, lui
dis-je, mais si tu le mets dans une poubelle, tu me dis laquelle, hein ?»
Tels les Trois Mousquetaires (qui étaient quatre, c’est bien connu !), nous reprenons le chemin du retour… nos pieds roulant sur le tapis de glands.
Dimanche matin, j’avais un mail de Stéphane ainsi libellé :
Salut Bernard
Le ZIZIGLANDEUR est à nouveau prêt à aller dans un chêne.
A+
Stéphane
Autrement dit, en précisant qu'il était prêt à remettre son modèle dans un chêne, Stéphane se disait déjà prêt pour la glandée... prêt à donner des glands en
nourriture à... son Zizi Glandeur!
Car avant de terminer cette histoire, il serait bon d'effectuer un petit détour de vocabulaire :
Autrefois, on emmenait les cochons… à la glandée, afin de leur
faire manger des glands, et il fallait quelqu’un pour les surveiller : c'était le glandeur !!!!.
Ce travail n’étant pas très fatigant… ceci explique sans doute que l’expression soit passée dans le langage courant.
Ah, ce cher Stéphane, accompagné de son « Zizi Glandeur », toujours prêt à
« glander »!!!